Le blog de michel koppera
Lucia ETXEBARRIA, « Un miracle en équilibre », 2004, Editions 10/18 n°4010, domaine étranger
Voici ce qu'en dit la 4ème de couverture : Loin des clichés, Lucia Etxebarria livre, à travers cette longue lettre d'une jeune mère à sa fille, une réflexion jubilatoire sur la féminité actuelle. Tour à tour drôle, piquante et poétique, elle lui parle des désirs multiples et parfois contraires qui tiraillent le coeur de la femme moderne : être indépendante, attirante, active, aimante exemplaire, l'une après l'autre ou toutes à la fois (...) Ce roman bourré d'humour et démotion a reçu le prestigieux prix Planeta, équivalent espagnol du prix Goncourt.
Ce que j'en pense : comme souvent avec cette auteure, il faut pas mal de pages pour "entrer" vraiment dans le texte. Mais une fois que c'est fait, on va jusqu'au bout, avec jubilation comme le dit justement le résumé précédent.
Avertissement ! L'extrait que je vous ai choisi pourrait choquer car remettant en cause le postulat du caractère "sacré" de la parole de l'enfant.
« Je me rappelle une histoire racontée dans un film, Session 9, et qui était inspirée, semble-t-il d’un fait divers authentique ( Session 9 est un film d’épouvante américain réalisé par Brad Anderson et sorti en 2001). Une jeune fille, soignée dans un hôpital psychiatrique, particulièrement agressive et réfractaire au sexe, suit des séances de régression thérapeutique sous hypnose. Sous l’empire de son thérapeute, la malheureuse finit par se rappeler que son beau-père l’a violée à plusieurs reprises quand elle était encore prépubère, et tous ces épisodes –au demeurant convaincants - remontent à la surface avec toutes sortes de détails scabreux, les caresses plus ou moins innocentes pour commencer, puis les attouchements qui de tendres étaient devenus suspects, pour finir par les pénétrations en bonne et due forme. La mère de la fille, mise au courant par le psychiatre et déjà divorcée du beau-père, brûle d’une sainte (et légitime ?) colère : ça ne lui suffisait pas de boire comme un trou, de la battre pour un oui ou pour un non, de la tromper avec tout ce qui porte jupon, il avait donc fallu qu’en plus il profane qu’il y avait de plus sacré au monde, la vertu de sa fille à elle ! La mère dépose donc une plainte pour viol, tout en sachant qu’il sera difficile de prouver ce qui s’est passé. Ou ce qui ne s’est pas passé, car les avocats de l’ex-beau-père produisent un compte rendu d’examen clinique prouvant que la fille était vierge au moment où elle a raconté l’histoire, mettant ainsi à bas tout l’enchaînement des faits, depuis les premiers baisers jusqu’au viol consommé. Mais aujourd’hui, j’en suis à me demander si l’histoire n’est pas rendue réelle du seul fait que la fille l’a vécue comme telle. Peut-être, en effet, a-t-elle exorcisé de cette façon le désir refoulé qu’elle éprouvait pour son beau-père, en l’accusant de pulsions qui existaient dans on imagination à elle, mais qu’elle n’arrivait pas à admettre ? En s’imaginant avoir été violée, elle recréait quelque chose qu’elle aurait souhaité – séduire son beau-père – tout en s’affranchissant du sentiment de culpabilité, grâce au fait qu’elle attribuait à l’objet de ses fantasmes la responsabilité de ceux-ci. »