Le blog de michel koppera
"Le Tambour", roman paru en 1961 aux Editions du Seuil.
526 pages. Traduit de l'allemand par Jean Amsler
Extrait page 240. À l'âge de trois ans, Oscar a décidé de ne plus grandir. Le voilà donc à 16 ans, mesurant toujours 92 cm. Comme sa mère est décédée prématurément, il se trouve sous la tutelle de son père et d'une vendeuse de la boutique familiale prénommée Maria, âgée de 17 ans. En compagnie de Maria, Oscar se rend à la plage de Dantzig, où ils vont se mettre en maillot de bain dans une cabine. Maria se déshabille devant le petit Oscar...
Maria fit sursauter Oscar, avec son triangle poilu Certes il savait bien par sa pauvre maman que les femmes ne sont pas chauves par en bas, mais Maria n'était pas femme pour lui dans le même sens où sa maman s'était montrée femme à l'endroit d'un Matzerath ( son père) ou de Jan Bronski (l'amant de sa mère).
Et je la reconnus aussitôt. Rage, pudeur, révolte, déception et une érection débutante, à demi grotesque, à demi douloureuse, de mon petit arrosoir dans mon caleçon de bain me firent abandonner tambour et baguettes par goût de la baguette neuve qui m'était poussée.
Osacar se leva, se jeta sur Maria. Elle le reçut avec ses poils. Il se laissa y enfouir son visage. Ça lui venait entre les lèvres. Maria riait et voulait le retirer. Mais moi j'en prenais toujours davantage, je remontais vers l'odeur de vanille. Maria riait toujours. Elle me laissa même à sa vanille ; cela semblait l'amuser, car elle riait toujours. C'est seulement quand mes pieds dérapèrent et que ce dérapage lui fit mal - car je ne lâchai pas les poils ou les poils ne me lâchèrent pas - seulement quand la vanille me mit les larmes aux yeux et que je goûtais déjà les lactaires poivrés ou autre chose de haut goût, mais non plus de vanille ; quand cette odeur de terre que Maria cachait derrière la vanille me retraça dans la tête la terre où se décomposait Jan Bronski et qu'elle m'empesta pour toujours du goût de ce qui est périssable, c'est alors seulement que je lâchai prise.
Oscar glissa par terre, sur les planches couleur d'aveugle de la cabine et pleurait toujours quand Maria qui riait déjà de nouveau, le souleva, le prit sur son bras, le caressa et le serra contre ce collier de cerises en bois qu'elle avait gardé pour tout vêtement.
Hochant la tête, elle ôta ceux des poils que j'avais gardés sur les lèvres et s'étonna : "T'es un p'tit coquin ! Tu vas voir là-dedans, tu sais pas c'que c'est, et pis après tu pleures."