Le blog de michel koppera
"Les ardents de la Rue du Bois-Soleil", # 10
Vendredi 3 janvier 1964
C’est le jour de la Sainte Geneviève.
J’ai mes règles. Dieu les bénisse ! Je vais peut-être enfin retrouver mes esprits. J’ai beau me dire que si je n’avais pas bu tant de vin, rien ne serait arrivé, jene parviens même pas à m’en convaincre.
Je dois me rendre à l’évidence : ce gosse – mais pourquoi continuer de parler de lui ainsi ?- Tristan m’a caressée presque jusqu’à me faire jouir et je l’ai laissé faire. Il m’aurait suffi d’un geste, d’un mot ou d’un regard pour le remettre à sa place. Je n’en ai pas eu le courage, et encore moins l’envie.
L’envie, elle était au plus profond de mon ventre, chaude et liquide.
Pourtant, je ne l’aime pas. Il n’y a rien de sentimental là-dedans. Sa jeunesse me rassure. Chaque jour, je ne vois que des petits vieux tremblotants, des petites vieilles incontinentes, des corps rabougris, fripés, errant sur la frontière indécise qui sépare la vie de la mort… Alors que Tristan, c’est le triomphe de la vie : les muscles tendus, les gestes fermes, avec l’énergie inépuisable de la jeunesse. C’est un remède contre la peur et la solitude.
Et s’il allait en parler à sa mère ? Non, pas de risque. À Jean alors ? Je ne crois pas, il aurait trop à perdre… Je me souviens de l’année de mes quatorze ans, quand le grand frère d’une camarade de classe me caressait les fesses pendant qu’on marchait côte à côte dans les rues sombres. Pour rien au monde je n’en aurais parlé à quelqu’un ; j’étais trop contente qu’il me touche le cul ! Il devait bien avoir vingt ans et les mains chaudes…
Au petit matin du jour de l’an, c’est un certain Marcel qui m’a raccompagnée jusque chez moi. C’est un copain de régiment du père de Tristan. Il était fin saoul, beaucoup plus que moi. Ça ne l’a pas empêché de me faire du gringue, avec des allusions pas très fines au fait que j’étais divorcée, pour ainsi dire libérée… Et si c’était vrai qu’à l’hôpital les infirmières ne portaient souvent quasiment rien sous leur blouse.
Dans le hall de l’immeuble, il s’est carrément frotté contre moi, à me tripoter les seins et à me mettre la main aux fesses. Comme il était tard et que j’avais encore dans le ventre le souvenir des caresses de Tristan, je l’ai expédié vite fait. Je n’ai même pas eu besoin de lui tailler une pipe : je lui ai juste sorti l’engin et je l’ai branlé, à sec… En un rien de temps, il a envoyé son sperme gicler sur le carrelage, au pied des boîtes aux lettres. La concierge a dû en faire une tête le matin, quand elle a balayé le hall ! Eméché comme il était, je parie qu’il ne s’est souvenu de rien, le père Marcel !
Juste avant les vacances de Noël, j’ai surpris Jean dans sa chambre en train de se livrer sur la descente de lit à d’étranges contorsions. Ça m’a plutôt étonnée car, à ma connaissance, mon neveu n’a jamais été un fou de gymnastique au sol. Il était visiblement gêné d’avoir été surpris dans une activité qu’il aurait voulu garder secrète. En plus, quand il m’a dit en bredouillant que c’était Tristan qui lui avait montré certaines figures très audacieuses, j’ai aussitôt soupçonné que ce n’était pas seulement pour la beauté du geste. Il devait y avoir quelque chose de sexuel là-dessous ! J’en ai eu la confirmation, l’autre nuit, lorsque Tristan est devenu tout rouge quand je lui ai parlé de ses dons d’acrobate. Ça y est, voilà le bout de mes seins qui redevient tout dur !
Et ce pull qui n’avance pas ! Si je tricote une manche, je pense à la main et au bras qui vont passer dans cette manche : son bras musculeux et sa main aux doigts indiscrets qui rampent sur ma cuisse nue…
Fin du chapitre 2.
à suivre...