Le blog de michel koppera
" Les ardents de la Rue du Bois-Soleil" # 33
En haut de l’armoire de ma chambre, le vieux Paris-Hollywood se couvrait de poussière, je ne lisais plus en cachette les romans photos italiens de maman, un soupçon de moustache commençait à me pousser ainsi que quelques poils sombres sur le torse. Parfois, je me répétais tout bas :
- Je sors avec Geneviève…
Je ne trouvais jamais le mot juste pour la désigner : femme, maîtresse, amante ? Je ne savais même pas si je l’aimais, mais je ne pouvais me passer d’elle. Chaque matin, je me réveillais en proie au même désir. Ma bite pensait pour moi.
Pour avoir vu Geneviève nue sous tous les angles, dans toutes les positions même les plus indécentes, je crois que je peux, aujourd’hui encore, près de vingt années plus tard, brosser son portrait avec la précision et le souci du détail d’une carte IGN.
Geneviève mesurait un mètre soixante-cinq et pesait, à l’époque, soixante-sept kilos. Elle avait les cheveux bruns très foncés, plantés bas sur le front, un peu trop gras à son grand désespoir. Elle allait chez le coiffeur une fois par mois, pour sa permanente comme elle disait. Elle en revenait casquée de laque. Elle portait les cheveux mi-courts – ils ne lui touchaient pas les épaules – avec une sorte de grande boucle qui en relevait la pointe. Ses yeux noisette étaient à demi masqués sous ses paupières alourdies par de longs cils recourbés. Ses sourcils très fournis – elle devait se les épiler périodiquement – assombrissaient encore son regard. Elle avait le nez légèrement busqué et une bouche très charnue, avec des lèvres épaisses qui la faisaient parfois passer pour métisse. Si les dents du haut étaient bien proportionnées et alignées, ce n’était pas le cas de celles du bas à l’implantation plus anarchique, si bien qu’elle évitait de rire à gorge déployée. L’ensemble de son visage formait un ovale sans défaut, avec un menton volontaire et des oreilles toujours cachées sous sa chevelure.
Geneviève avait la peau très blanche, presque laiteuse. Ses mains étaient fines avec des doigts aux ongles taillés court, pour raison professionnelle disait-elle. Quand elle était nue, outre le buisson ténébreux de son ventre, il était difficile d’ignorer ses gros seins – elle faisait du 95 D – couronnés d’aréoles brunes et larges. Si la texture de sa poitrine était un peu molle, les tétons une fois excités pouvaient devenir incroyablement durs et pointus, comme si Geneviève bandait des seins. Elle avait le ventre un peu rond, de fortes cuisses, de beaux mollets bien galbés, un cul splendide et une petite varice à la jambe droite.
Geneviève ne portait pas de bijoux – ni boucles d’oreilles, ni bague – et ne se maquillait que rarement – un peu de fond de teint et de rouge à lèvres pour les sorties en ville. L’été, elle portait des robes de cotonnade à fleurs et, pour ses dessous coquins, elle avait un faible pour le rose indien. Elle chaussait du 40 et n’appréciait guère les chaussures à hauts talons. Bien que non fumeuse, elle avait la voix chaude, un peu rauque, des fumeurs de Gitanes. Piètre cuisinière, elle ne préparait vraiment bien que le riz au lait et préférait lire des romans d’aventures, tricoter et compléter des grilles de mots croisés. Mais avant tout, Geneviève aimait qu’on s’occupe d’elle, qu’on l’embrasse, qu’on la cajole, qu’on la caresse partout, qu’on lui dise des mots tendres, qu’on la fasse jouir encore et encore… Telle était la femme avec qui je partageai les premières semaines de l’été 1964, cette femme sans doute amoureuse à qui je n’eus jamais l’audace de dire tu.
à suivre...