Le blog de michel koppera
Leïla Slimani : "Dans le jardin de l'ogre" Extrait n° 2
Page 109-110, voici Adèle avec Xavier un de ses nombreux amants.
" Xavier parle beaucoup. Adèle espère qu'il ne va pas tarder à ouvrir la bouteille de vin qu'il a dans la main depuis maintenent un quart d'heure. Elle se lève et lui tend le tire-bouchon.
C'est le moment qu'elle préfère.
Celui qui précède le premier baiser, la nudité, les caresses intimes. Ce moment de flottement où tout est encore possible et où elle est maîtresse de la magie. Elle boit une gorgée goulûment. Une goutte de vin glisse sur sa lèvre, le long de son menton et éclate contre le col de sa robe blanche avant qu'elle ait pu la retenir. C'est un détail de l'histoire et c'est elle qui l'écrit. Xavier est fébrile, timide. Il n'est pas impatient, elle lui sait gré de d'asseoir loin d'elle, sur cette chaise inconfortable. Adèle est installée sur le canapé, les jambes repliées sous elle. Elle fixe Xavier de son regard de marais, visqueux et impénétrable.
Il approche sa bouche et une onde électrique parcourt le ventre d'Adèle. La décharge atteint son sexe, le fait exploser, charnu et juteux, comme un fruit qu'on épluche. La bouche de l'homme a le goût du vin et des cigarillos. Un goût de forêt et de campagne russes. Elle a envie de lui et c'est presque un miracle, une envie pareille. Elle le veut, lui, et sa femme, et cette histoire, et ces mensonges, et les messages à venir, et les secrets et les larmes et même l'adieu, inévitable. Il fait glisser la robe. Ses mains de chirurgien, longues et osseuses, effleurent à peine sa peau. Il a des gestes sûrs, agiles, délicieux. Il paraît détaché et tout à coup furieux incontrôlable. Il a un sens certain de la dramatrurgie, se réjouit Adèle. Il est si proche à présent qu'elle en a le vertige. Son souffle l'empêche de réfléchir. Elle est molle, vide, à sa merci."