Le blog de michel koppera

"Concertino" 2ème partie

Dans les jours qui suivirent, Dominique consacra presque tout son temps à la préparation de son intervention au colloque de dermatologie. Il passa des heures sur internet, dans la lecture des revues spécialisées et des brochures économiques. Il en négligea Martine, partant tôt le matin, rentrant très tard le soir, la laissant seule au manoir où elle jouait à la maîtresse du logis dans les pièces vides et le parc en fleurs.

Cependant, le jeudi précédant l'ouverture du colloque, quand il revint du bureau, Dominique eut la surprise de la trouver au téléphone, un carnet à la main, en train de prendre des notes. Après qu'elle eut raccroché, elle lui demanda :

concertino4-1— Tu as déjà entendu parler d'Alexandre Meyer ?

— Non. Je devrais le connaître ?

— Pas vraiment. C'est un des meilleurs spécialistes de la greffe de peau.

— Alors, il va participer au colloque, c'est ça ?

— Exactement ! Mais sa venue n'était pas programmée. Ça s'est décidé au dernier moment. Il vient de Nancy et les organisateurs du colloque ont dû lui trouver en urgence un hébergement pour deux nuits. Tous les hôtels de Quimper et des environs affichent complet. Alors, comme ce Docteur Meyer apprécie la campagne et les vieilles pierres, on nous demande d'être ses hôtes pour le week-end.

— Qu'est-ce que tu leur as répondu ?

— Oui... Que voulais-tu que je puisse leur répondre d'autre ?

En naviguant sur le net, ils apprirent qu'Alexandre Meyer avait 53 ans, avait été formé à la faculté de Médecine de Strasbourg et s'était ensuite spécialisé dans la greffe de peau, plus particulièrement des grands brûlés. En résumé, c'était un ponte. Il y avait aussi quelques photos où il apparaissait entouré de collaborateurs ou d'assistants en blouse blanche. C'était un homme de grande taille, aux cheveux bruns, à la mâchoire volontaire et dont l'allure inspirait le respect. Ils ne trouvèrent aucune information  sur sa vie privée.

— Est-ce qu'ils t'ont précisé s'il viendrait seul ? demanda Dominique à sa femme.

— Non, on m'a juste parlé de lui, pas d'une autre personne susceptible de l'accompagner. Je crois que je vais lui préparer la chambre bleue...

 

Le docteur Alexandre Meyer arriva le samedi matin par le TGV en provenance de Paris. Comme Dominique était déjà pris par l'animation de sa commission, ce fut Martine qui se chargea d'aller l'accueillir à la gare de Quimper, de l'emmener au manoir où il déposa ses bagages dans sa chambre et de l'accompagner ensuite au colloque où il fut aussitôt l'objet de tous les égards dus à sa renommée. Martine le suivit de loin, écouta ses prises de parole en public, éprouva comme chacun une admiration respectueuse  pour l'homme de science mais aussi une angoisse sourde. Certes, la personne était brillante, pleine de charme. Sa voix était grave, très persuasive, sans aucune note d'agressivité ou de vanité. Néanmoins, au-delà des mots et des sourires convenus, Martine pressentit une sorte de force animale tapie dans l'ombre, prête à bondir et à dépecer sa proie. De toute évidence, Alexandre Meyer était un  redoutable prédateur.

Le samedi soir, Alexandre Meyer participa au dîner officiel du colloque, dîner où fut également convié Dominique. Martine s'en revint donc seule au manoir et n'en fut pas mécontente.

Les deux hommes ne rentrèrent que tard dans la nuit. Martine dormait mais son mari la réveilla pour lui raconter sa journée. Elle l'écouta à travers les brumes ensommeillées de son esprit vagabond. Elle ne se montra vraiment attentive que lorsqu'il lui parla de son retour avec Alexandre Meyer, de leur conversation dans le taxi.

— Comment tu le trouves ? demanda-t-elle d'un ton qu'elle voulait anodin.

— Très sympathique et simple. Demain, il devrait passer la journée avec nous. Je pense qu'on pourrait l'inviter au restaurant. Qu'est-ce que tu en penses ?

— On verra ça demain matin... Pour l'instant, j'ai trop sommeil pour penser.

à suivre...

 

 

Mer 17 mai 2017 Aucun commentaire