Le blog de michel koppera
"Concertino", 4ème partie
Deux heures plus tard, lorsque Martine redescendit, les deux hommes étaient au salon assis côte à côte dans le vaste canapé de cuir fauve tourné vers les flammes qui montaient haut dans l'âtre. Dehors la nuit était tombée et les lourdes tentures de laine avaient été tirées devant les fenêtres. Ils avaient terminé le thé depuis longtemps et en étaient maintenant au whisky pur malt. En vieux routiers de la politique et de l'existence, ils parlaient en se tutoyant de l'Union Européenne et de la misère sociale. Martine fut étonnée de n'entendre en fond sonore ni Chopin ni Bach, mais un bon vieux Dire Straits.
— C'est Alexandre qui a choisi la musique, dit Dominique pour s'excuser. L'invité est roi !
Martine ne se méprit pas sur l'ambiguïté de la phrase et prit place dans le fauteuil placé à gauche de la cheminée. D'un simple regard, Dominique sut qu'il allait vivre des moments inoubliables, des heures qu'il avait mille fois imaginées, rêvées, espérées... Martine avait troqué son jean et son pull champêtres contre une jupe noire plutôt courte qui découvrait plus que nécessaire ses jambes et ses genoux gainés de bas sombres. Aux pieds, elle portait des escarpins noirs vernis à fine bride et talons aiguilles qui lui donnaient un petit air putain. Quant au haut, elle avait juste enfilé un chemisier de soie rose pâle sous lequel il était évident qu'elle ne portait pas de soutien-gorge : ses tétons en érection pointaient avec insolence sous le tissu trop fin. Elle s'était maquillée et coiffée avec soin et arborait avec élégance boucles d'oreilles, bracelets et bagues en or. Dominique se dit qu'elle était exactement "comme il faut".
— Qu'est-ce que je te sers ? demanda-t-il d'une voix qu'il voulait calme malgré son excitation.
— La même chose que vous, ce sera parfait !
Pendant qu'il s'affairait avec le verre et les glaçons, Martine observa les deux hommes. Grands et bruns tous les deux, comme frères. L'aîné et son cadet. Le premier familier, toujours aimable et prévenant, son amant au quotidien, rassurant. Le second, totalement inconnu, imprévisible et mystérieux, juste de passage dans sa vie mais terriblement séduisant et dangereux. Il lui revint en mémoire quelques images du film Jules et Jim et elle se rêva en Jeanne Moreau fatale. La conversation reprit, décousue, chaotique, comme si chacun avait l'esprit ailleurs. De temps à autre, Martine surprenait le regard furtif d'Alexandre posé sur son cou, ses cuisses, ses mains... Et plus longuement celui de son mari bienveillant et amoureux.
Ils venaient d'en terminer avec leur seconde rasade de scotch lorsque Dominique donna le signal du laisser-aller :
— On va faire quelques photos souvenir, dit-il, pour notre album personnel.
Il tendit son smartphone à Martine et lui demanda de les prendre tous les deux, assis côte à côté sur le canapé. Puis, il se leva, reprit le smartphone et invita Martine à prendre sa place aux côtés d'Alexandre. Spontanément, comme il l'avait fait sous la tonnelle de rhododendrons, Alexandre passa son bras droit par-dessus l'épaule de Martine et posa sa main directement sur son sein qu'il empauma avec autorité. Le sourire aux lèvres, elle se serra contre lui : " Cheese !"
Une fois les photos prises et le smartphone reposé sur la table basse, Dominique se rassit dans le fauteuil qu'occupait auparavant son épouse, endossant ainsi le rôle de spectateur. Alexandre n'avait retiré ni son bras, ni sa main. Le cœur en émoi, Martine attendait.
Du regard, Alexandre interrogea Dominique qui lui répondit d'un bref hochement de tête sans ambiguïté.
à suivre...