Le blog de michel koppera

"Villa Ferjac"

chapitre 6

ferjac6-1Ma relation amoureuse avec Valérie fut à la fois plus frustre et plus riche que celle que j’avais vécue avec Clara. Alors que Clara aimait habiller l’amour de fantasmes – cela allait du porte-jarretelles au préservatif aromatisé, en passant pas les accessoires en latex – Valérie se contentait d’être intégralement nue et consentante. Elle avait le ventre châtain et bouclé, tout comme les aisselles et sa chevelure opulente. Elle aimait que je lui caresse le pointe des seins et le bas des reins, que je l’embrasse dans le cou, juste sous l’oreille, que je passe ma main tout doucement entre ses cuisses entrouvertes, que je prenne et que j’excite son clitoris entre mes lèvres pincées, que je lui maintienne les jambes très écartées pendant que je lui léchais la chatte et le trou du cul, que je lui dise que c’était bon quand elle me prenait en bouche, que je la pénètre à fond, que je la fasse jouir plusieurs fois de suite, que je me retire de son con tout luisant de son plaisir pour la lui mettre par derrière, que j’éjacule en grognant de bonheur, qu’on recommence en pleine lumière, la fenêtre ouverte… Elle aimait tout ça et aussi se regarder nue dans le miroir en prenant la pose tout en se caressant du bout des doigts.

Début juillet, le matin de notre départ pour un séjour de trois semaines en Toscane, M. Bertholet nous accompagna jusqu’aux grilles du portail qu’il referma derrière nous. Il nous adressa un dernier signe de la main. Je ne devais jamais le revoir.

Malgré le charme de la vie florentine, malgré la splendeur des marbres de la chapelle des Médicis, ce voyage tourna rapidement au désastre. Valérie me reprochait sans cesse mes silences et d’oublier trop souvent sa présence ; je supportais mal ses bavardages et ses fréquentes haltes devant les vitrines des maroquiniers. En fait, nous n’avions jamais vraiment vécu ensemble, je veux dire tous les deux. Nous ne connaissions que l’intimité trompeuse du lit. Notre réelle séparation eut lieu à la Galerie des Offices, devant l’Annonciation de Botticelli ; comme je restais en admiration devant le tableau, fasciné par le damier rouge et blanc du dallage aux pieds de la Vierge et de l’Archange, Valérie me chuchota à l’oreille :

- Je continue toute seule… On se retrouve plus tard.

Ce fut ainsi qu’elle quitta ma vie, comme l’avait fait Clara trois années auparavant.

Je poursuivis seul le voyage.

De retour à la villa Ferjac, j’ai trouvé les portes verrouillées, les persiennes closes, la maison désertée. Dans la bibliothèque, tous les livres étaient rangés, en bon ordre, et il ne restait sur le bureau de chêne qu’une simple feuille de papier blanc, sans le moindre mot d’explication. Quelques cintres avaient été jetés sur le matelas de la chambre mauve dont l’armoire ouverte à deux battants découvrait ses étagères vides. Un léger voile de poussière semblait s’être posé sur la table de chevet où le réveille-matin avait cessé de battre la mesure.

Après de multiples coups de téléphone désemparés, j’ai fini par retrouver la trace de M. Bertholet. Selon le notaire, dès le lendemain de notre départ, il avait demandé à être admis dans la maison de retraite où sa place était réservée depuis la vente de la Villa Ferjac. Il y était décédé cinq jours plus tard, victime d’une paisible crise cardiaque. Il y avait dans la voix du notaire comme un reproche à peine voilé.

ferjac6-Botticelli, annunciazione di cestello

à suivre...

 

 

Ven 22 fév 2019 Aucun commentaire