Le blog de michel koppera
Nedjma, "D'ambre et de soie"
roman paru chez Plon en 2015 (200 pages)
Récit à deux voix de deux éclopés de la vie qui ont trouvé refuge dans la campagne marocaine : Badra, la femme mature, qui a perdu l'homme qu'elle aimait ; Karim, grand séducteur, journaliste parisien de retour au pays après une énorme déception sentimentale.
page 23-25. Karim se souvient de ses innombrables conquêtes féminines.
Suzanne commençait par enlever ses chaussures et se poser sur l'un des deux poufs, Claude voulait un café avant le thé, c'est comme ça et pas autrement, Cécile n'avait pas passé la porte qu'elle était déjà à moitié nue, voulait me montrer le dernier tatouage dessiné en haut de ses cuisses, Christine protestait :" Ah, non ! Ne me déshabille pas, prends-moi debout, c'est meilleur." Esther glissait cérémonieusement à terre sa robe et venait s'asseoir sur le lit avec des manières de princesse, Alice se hissait sur la pointe des pieds pour me poser un baiser sur les lèvres tout en m'empoignant les bourses des deux mains, et Sandra attendait sagement que je vienne dégrafer son chemisier et lui gober les tétons. J'embrassais, malaxais, léchais, aspirais, mordillais, sans jamais faire mal, ne concevant pas de lien entre le plaisir et la douleur physique. J'adorais sucer les vulves contrairement à la plupart de mes coreligionnaires qui prétendaient qu'une telle pratique rendait impuissant, voire aveugle. Aveugle, moi, je l'étais enfant sous la contrainte, je n'allais pas le rester toute ma vie. Ma curiosité contrariée s'était même muée en un goût immodéré pour la fleur et son bourgeon, l'amande et son jus.
Une fois seul, je chantais sous la douche, heureux comme un pacha, la conscience tranquille, le corps débarrassé des faims anciennes. Je prenais, je renvoyais. J'avais mes gestes et mes mots pour chacune. À Béatrice, je disais : " Cette fois, c'est toi qui me prends dans la bouche. " Je murmurais à l'oreille d'Esther qu'elle était ma reine de Saba. J'arrachais le nouveau porte-jarretelles de Cécile et mettais le nez dans la raie de ses fesses. Je m'empressais de rendre la pareille à Alice en agrippant son derrière rond et rose comme une pastèque. Je caressais longtemps les seins de Sandra avant de descendre plus bas, je savais qu'elle me repousserait, elle avait honte de se faire embrasser le minou, cela ne se faisait pas. Quant à Christine, j'obéissais à ses ordres, la prenant debout dans son tailleur et sur ses hauts talons. C'était la plus perverse de toutes et le rituel exigeait que je lui narre mes conquêtes :
- Parle-moi de tes femmes, ça m'excite."
(illustrations signées Tom Poulton)