Le blog de michel koppera
"Le dernier service", # 4
Une fois son pantalon remonté, sa braguette refermée, un sourire narquois sur les lèvres, Samir a repris sa place à table et terminé son assiette refroidie. Dans le silence pesant de la petite salle, on n'entendait que le frottement de la fourchette sur la porcelaine de son assiette et le bruit plus discret de sa mastication. Moi, j'étais incapable de bouger et plus encore de manger : la scène à laquelle je venais s'assister m'avait coupé l'appétit et anéanti tout ce je croyais connaître d'Anne. Nicolas et Loïc avaient eux aussi cessé de manger. Ils me regardaient comme s'ils s'attendaient à ce que je prenne la parole, que je leur explique. Il n'y avait rien à expliquer !
Son assiette vide, Samir a replié sa serviette, consulté sa montre et s'est levé.
– Il est tard et je suis crevé. Excusez-moi, mais je vais aller dormir.
Et il s'en est allé, sans même un bonsoir. On est donc restés seuls, trio de mâles dominants, comme abandonnés. C'est Nicolas qui a parlé
– Avouez que vous ne vous y attendiez pas !
À quoi faisait-il allusion ? Au départ précipité de Samir ou à la séance de triolisme avec Anne ? Il poursuivit :
– Ne soyez pas inquiet pour Samir : je le connais, il n'est pas allé les rejoindre ! (comment avait-il pu deviner mes pensées ?) Il faut le comprendre, il a pris son service ce matin à 9 heures et il est bientôt minuit... Normal qu'il soit fatigué ! Je pensais à votre compagne : les personnes les plus proches nous sont parfois aussi mystérieuses que des inconnues.
Le retour d'Anne l'a dissuadé de m'en dire plus. Elle était seule, le sourire aux lèvres, le regard pétillant.
– J'espère que vous m'avez attendue pour le dessert, j'ai une de ces faims ! Ah, oui, le temps que j'y pense : Wilma est partie avec son copain qui est venu la chercher...
Elle est venue s'asseoir à côté de moi et, penchée tout près de mon oreille, elle m'a chuchoté :
– Chéri, j'espère que tu ne seras pas fâché mais je n'ai plus de petite culotte... Wilma l'a emportée en souvenir.
Sans attendre ma réaction, elle s'est tournée vers nos deux hôtes qui venaient de poser sur la table une forêt noire très appétissante. Elle s'en laissa volontiers servir une belle part qu'elle entama avec une gourmandise non feinte. Je la devinais impatiente. Deux verres de Sauternes plus tard, Anne s'est adressée à Loïc :
– J'ai demandé à Wilma pourquoi votre restaurant s'appelait La Balancine. Elle n'a pas souhaité me donner d'explication. Elle m'a juste conseillé de vous poser la question... Alors, c'est quoi la Balancine ?
Nicolas et Loïc se sont regardés, comme s'ils se mettaient d'accord pour savoir lequel lui répondrait. Finalement, c'est Loïc qui a pris la parole;
– Une balancine, c'est un des cordages qu'on utilise sur un voilier. Il sert à contrôler les mouvements du tangon ou de la bôme de grand-voile. C'est assez technique, mais on a trouvé le mot plutôt agréable à l'oreille, un mot qui évoque pour les non-initiés une berceuse rassurante. Mais un cordage c'est avant tout fait pour attacher... Vous connaissez le Shibari ?
– Non, pas du tout ! De quoi s'agit-il ?
– Au Japon, c'est l'art de ligoter un corps nu pour le contraindre à l'immobilité dans une posture érotique favorable à l'éveil du désir sexuel du ligoteur comme du ligoté... C'est sans danger, le but n'est pas de faire souffrir.
Anne buvait littéralement ses paroles.
– Et vous, vous y connaissez en shibari ?
– Un peu, enfin surtout Nicolas qui est maître en la matière. Tous les participants doivent être intégralement nus et la personne ligotée a la possibilité à n'importe quel moment de dire stop.
– Wilma s'y est prêtée ?
– Oui, à deux reprises. Vous souhaitez tenter l'expérience ?
La question s'adressait autant à moi qu'à Anne. Elle se tourna vers moi et me parla tendrement, d'une voix engourdie par l'excès de Sauternes.
– Dis-moi, chéri, tu veux bien me laisser essayer. Je suis sûre que tu y trouveras aussi ton compte...
Pour achever de me convaincre, elle me prit la main et la guida sous sa robe, entre ses cuisses nues, directement sur son sexe ouvert et baveux.
à suivre...