Le blog de michel koppera
Quand j'étais bonobo
1. Comment je suis devenu bonobo
Naguère, pendant quelques années, de 25 à 28 ans pour être précis, je fus bonobo. Jamais je n'aurais imaginé le devenir, de même que trois années plus tard je n'avais envisagé de ne plus l'être.
Ma métamorphose eut lieu un samedi soir de janvier, dans un petit appartement douillet d'une ville de province, au premier étage d'un modeste immeuble banalement coquet. Cela débuta sur la moquette du vestibule, au pied de la porte d'entrée tout juste refermée à double tour.
J'avais accepté son invitation et apporté un bouquet de roses ainsi qu'une bouteille de Pauillac crû grand bourgeois. Une bonne année. Le bouquet tomba à terre et la bouteille fut posée dans un coin, à côté d'une paire de pantoufles... L'heure n'était pas aux civilités protocolaires...
Je pense que ce fut lors de notre premier baiser que s'enclencha le processus de ma mutation génétique, au moment même où je lâchai le bouquet de roses qui tomba à nos pieds. Pendant que s'opérait en silence l'alchimie des voluptueuses circonvolutions de nos langues, de la soudure de nos lèvres enfiévrées, du bouillon de culture de nos salives mêlées, nous nous dépouillâmes en toute hâte de nos vêtements de froidure, jusqu'à nous allonger nus sur la moquette à côté du bouquet de roses. Alors que nos bouches ne pouvaient se résoudre à se séparer, nos mains nomades parcouraient nos peaux sans défense : elle caressait ma nuque, mes épaules, mes fesses et surtout mon sexe en érection pendant que je soupesais ses seins aux aréoles sombres, parcourais la chair fragile de ses cuisses ouvertes et surtout explorais son sexe pulpeux... Alors, de nos corps en chaleur, monta un parfum nouveau, subtil assemblage de crème fraîche aromatisée d'une pointe de vanille... Telle une brume invisible, cette odeur inconnue nous enveloppa tout entiers, il me sembla même qu'elle donnait goût à nos salives intarissables.
Nos sexes se marièrent tout naturellement : entre ses cuisses ma verge pointa sa tête chercheuse que sa vulve, les lèvres ouvertes, engloutit d'un seul tenant. Ce fut un accouplement presque silencieux, à peine ponctué par le chuintement visqueux de nos sexes qui s'emboîtaient au rythme du tango de nos hanches : lent, vif, vif, lent . Elle jouit assez vite, me serrant plus fort dans ses bras repliés sur mon dos, m'attirant en elle au plus profond et faisant battre le cœur palpitant de son utérus pendant que sa langue ne cessait de chercher la mienne.
Puis, on est restés comme ça, immobiles, l'un dans l'autre, à se regarder enfin... Je la croyais apaisée. Je me perdais dans ses yeux grand ouverts à quelques centimètres des miens... Elle passa lentement sa langue entre ses lèvres et me dit tout doucement : "Encore !"
Encore, encore et encore...
Bien sûr, il y eut des pauses pour s'empiffrer de toasts au saumon fumé, aller aux toilettes, goûter au gratin dauphinois pendant qu'il était encore chaud, faire la fête à la bouteille de Pauillac, choisir un disque à poser sur la platine - ce fut Leonard Cohen -, mettre le bouquet de roses dans un vase, aller de nouveau aux toilettes... Mais, toujours on en revenait à l'essentiel : se toucher, se renifler, se goûter, se regarder, s'écouter... Caresser et marier nos peaux nues ; respirer le parfum de nos aisselles, de nos ventres, de nos culs ; boire nos salives, nos secrétions intimes ; contempler sans fin nos anatomies comparées ; entendre nos soupirs, nos gémissements, nos prières... Encore !
Si j'avais été Ulysse, elle aurait été la divine Circé. Car, à l'aube du lundi, quand je quittai enfin sa caverne magique, j'étais devenu bonobo, déjà impatient de revenir le soir-même me vautrer dans les draps parfumés de sa couche.
à suivre....