Le blog de michel koppera

"Check-point", roman paru en 2015 aux Editions Gallimard (385 pages). Le récit a pour cadre une mission humanitaire dans la Bosnie en proie à la guerre civile en 1995. On suit cinq personnes (4 hommes et 1 femme) qui conduisent un convoi de deux camions chargés de matériel médical. A priori, ce n'est pas dans ce genre de roman que l'on s'attend à trouver des scènes de sexe, et pourtant...

Extrait page 199 : Lors d'une étape pour la nuit, Maud et Marc se trouvent seuls, en tête à tête, dans le froid de l'hiver...

" Ils s'étaient arrêtés et elle s'était plantée devant lui. Leurs visages étaient proches. Elle sentait son souffle. Elle entrouvrit les lèvres et il les prit.

Il la serrait fort contre lui et elle suivait avec des mains impatientes le relief de ses muscles qui affleuraient sous sa chemise de laine. Leurs baisers étaient violents, avides, comme s'ils avaient trouvé dans ce corps-à-corps le moyen d'exprimer toute la révolte et toute la passion, toute la rage et tout le désespoir dont, un instant plus tôt, ils étaient silencieusement dévorés.

– Viens, murmura-t-il, en se détachant d'elle et en l'entraînant par la main.

Ils revinrent sur leurs pas, qui étaient inscrits dans la neige, mais leurs traces nouvelles étaient confondues, car ils marchaient en tenant leurs corps serrés l'un contre l'autre. Ils grimpèrent l'escalier de la terrasse en se bousculant et montèrent à l'étage du bâtiment où étaient aménagés de grands dortoirs. Il n'y avait plus aucun obstacle à leur désir, seulement la voluptueuse résistance des vêtements qu'ils se retiraient mutuellement, avec des gestes maladroits et fébriles. L'air froid du dortoir, la toile rêche du matelas et les montants de fer du lit trop étroit ne faisaient qu'accroître leur ardeur. Leur étreinte désordonnée avait l'allure d'un combat, un combat où il n'y aurait ni vainqueur ni vaincu et dont le but ultime était de ne plus former qu'un seul coprs, dressé contre la violence du monde qui l'entourait.

Maud, jamais, n'aurait voulu subir cette épreuve car elle la voyait comme une insupportable humiliation. Chez tous les garçons qui l'avaient approchée, elle sentait la même impatience à prendre le pouvoir sur elle, en lui infligeant cette blessure, et elle n'avait jamais éprouvé pour aucun d'entre eux assez d'amour pour s'y soumettre. Elle était vierge par orgueil, par défi. Mais là, dans ce lieu qu'elle n'aurait pas su nommer, dans l'inconfort d'une maison dévastée, elle accueillait sans crainte cette douleur intime, tant elle la désirait. Et l'homme qui la lui faisait connaître était comme l'instrument d'une force qui le dépassait lui-même et dont elle désirait s'emplir. Elle sentait le sang couler d'elle et elle imaginait au grand jour la tache rutilante briller dans ce décor sinistre. Ils partageaient ce sang comme ils avaient partagé celui des femmes massacrées. mais c'était le sang de la vengeance et du combat, de la vie et du plaisir. Elle cria."

check-point

Ven 22 sep 2023 Aucun commentaire