Le blog de michel koppera
"Dormir ensemble" de Hervé Brunetière paru en 2004 aux Editions L'escarbille (collection feux follets) est un merveilleux petit ouvrage de 58 pages sur le thème de la jalousie
En voici l'incipit :
"Comme j'insiste, elle me fait le récit suivant :
Bon, puisque tu veux le savoir, on a dormi une nuit ensemble, Ronan et moi, mais il ne s'est rien passé entre nous. Il était triste et m'a demandé de dormir avec moi. Au début, j'ai dit non. Ensuite, j'ai dit : Oui, à condition que tu ne me touches pas. Il me l'a promis et on a dormi comme ça, l'un à côté de l'autre.
C'est fini. Son court récit est fini. Elle n'a rien d'autre à dire de cette nuit-là. Elle est déjà ailleurs. Or, ce récit et la nuit dont il parle sont les deux événements qui m'occupent le plus depuis deux ans."
Extrait page 27 : " Je ne suis pas jaloux. Si il y a une chose dont je suis sûr, c'est celle-là. Si il y a des mots que je peux prononcer en toute sincérité, en étant éveillé, ce sont eux : je ne suis pas jaloux. Si il y a un sentiment, un seul, dont je suis certain, c'est celui-là, c'est le sentiment de non-jalousie. Il me fait peur. Est-il homme, celui qui n'est pas jaloux?
Extrait page 29 : "Ils ont dormi tous les deux à côté toute cette longue nuit. Ils étaient si proches. L'odeur du corps de l'homme, l'odeur du sexe de l'homme, ses odeurs à lui se mélangent, même sans se toucher, les odeurs des corps se mélangent, à l'odeur de son corps de femme, l'odeur de son sexe de femme, ses odeurs à elle. Dans la tiédeur ou la chaleur des draps, leurs odeurs se mêlent, s'arrangent entre elles, construisent une nouvelle odeur, une odeur unique, inoubliable, l'odeur de cette nuit. L'odeur de cette nuit à eux qui est la mémoire de cette nuit à laquelle je n'aurais jamais accès.
C'est une nuit de juin, je crois."
Extrait page 37: " Elle se réveille et il y a ce corps neuf en encore inexploré. Il y a ce torse, cette peau, cette présence du corps, ce sexe, ce sexe d'homme qu'elle aime tant prendre avec sa main, et baiser avec sa bouche et mettre en elle. Toute cette machinerie du corps qui ne demande qu'à se mettre en mouvement – juste ! – pour le bonheur d'une heure une nuit un printemps deux corps. Quels comptes rendre de cela ? À qui ? Pourquoi ?
Alors, elle se réveille et c'est sa main qui va vers lui."
Paragraphe final, page 58 : " Elle m'a donné ce récit. En échange de quoi ? Je lui donne en retour ma jalousie. Cette jalousie toute neuve, qui n'a jamais servi à une autre, dont j'ignorais qu'elle soit possible, que j'écartais de moi, je lui donne."