Le blog de michel koppera
"La négresse rousse" est un roman de Calixthe Belaya paru en 1989 aux Éditions Belfond sous le titre "Seul le diable le savait", puis en 1997 en édition de poche J'ai lu (n°4601) sous le titre "La négresse rousse" (310 pages)
Dans le petit village de Wuel, à l'ouest du Cameroun, vit Mégrita (dite Mégri), une adolescente aux cheveux roux entourée de Dame maman (sa mère) et de ses deux pères (l'un appelé "le Pygmée", l'autre "le bon Blanc"). L'arrivée dans le village d'un homme inconnu aux étranges pouvoirs de divination, appelé "l'Étranger", va bouleverser l'ordre social établi.
Extrait pages 96-97 : Mégri est tombée sous le charme de l'Étranger qui l'entraîne dans sa case
" Je voulais l'Étranger. La nécessité de la possession amoureuse s'empara de moi.
Vertige, le contact de sa peau me saisissait. J'aurais voulu écarter, anéantir d'un coup de rasoir tout ce qui m'éloignait de sa peau : boubou, pantalon, slip. L'arracher à toutes ces pelures.
Sans grande hâte mais sans perdre de temps, l'avidité griffue dans les mains, je l'entraînai vers le lit, le regard crispé et raidi sous la tension du désir charnel. Bretelles, agrafes, fermetures, tristesses, angoisses, étoffes, toutes ces interférences furent balayées par les larmes violentes du désir.
Il m'embrassa les joues, les lèvres. Sa langue à la saveur de mangue et de tabac me fait défaillir. Lentement, ses lèvres descendent, dessinent des arabesques sur mes seins, sur mon ventre. Encouragé par mon trouble, il saisit mes jambes, l'une après l'autre, les porte sur ses épaules et s'enfonce en moi. Le contact de son membre dans ma chair m'arrache un léger cri. Honteux mais souriant, il me demande s'il m'a fait mal. Comment lui expliquer ce désir d'une intensité incommensurable qui me prend jusqu'à la douleur et dont l'effet persiste alors qu'il se trouve comblé ? Lentement, il m'éduque, il me disloque, il me réinvente. Sur nos corps, la sueur. De l'index, il déplace une goutte, sourit. Nos hanches s'épousent, s'élèvent, synchroniséees, langoureuses, flottantes comme pour arrêter l'espace et le temps. Le temps qui s'efface. L'espace aussi. La proximité du plaisir accélère nos mouvements, encense la nuit d'un doux bruissement de voix qui, bientôt, débouche sur une plage de cris et de râles. Il s'écroule sur moi tel un chêne abattu. Saisie des braises de merveille, je ferme les yeux pour relire des moments déjà perdus, presque invisibles. La lampe des souvenirs s'éclaire. Je comprends enfin qu'avant, avec Erwing (son petit ami d'enfance), c'était un jeu. Une petite fille babillait des niaiseries à un Prince immatériel en lançant gauchement vers le ciel des mots d'amour.
J'étais demeurée intacte dans l'attente du roi, celui qui dispense le salut. Allongé à mes côtés, l'Étranger a la beauté d'un statue, les muscles saillants et durs.