Le blog de michel koppera
Baiser au grenier
Nos maisons modernes n’ont plus de grenier. Sous prétexte d’isolation, on a pulvérisé sous les combles des mètres cubes de laine de roche et on ne peut plus y
accéder que par une trappe carrée de cinquante centimètres de côté. Néanmoins, sur l’échelle des fantasmes, le grenier demeure aussi excitant que la cabane dans un arbre, la grotte de Calypso ou
l’arrière-cuisine. C’est navrant ! La réputation érogène du grenier est surfaite. Si malgré tout, vous tenez vraiment à monter baiser au grenier, permettez-moi de vous donner quelques
conseils.
Tout d’abord, assurez-vous, pour votre partenaire et vous-même, de votre absence d’allergie à la poussière, aux acariens, araignées et crottes de souris – qu’elles soient chauves ou non. N’hésitez pas à procéder aux examens nécessaires. Le temps que vous y êtes, faites aussi le test pour les pollens (au grenier, on trouve parfois de vieux bouquets de fleurs séchées), la cellulose (vieux journaux et livres), les poils en tous genres (peluches, fourrures, peaux de lapin…)
Autre précaution utile, demandez auparavant à votre partenaire si elle – ou il, on ne sait jamais – souffre de claustrophobie. En effet, la plupart des greniers sont si bas de plafond et si mal éclairés qu’une crise d’angoisse ruinerait tous vos projets.
Enfin, évitez les conditions extrêmes : les chaudes journées d’été où l’air devient suffocant et la froidure de l’hiver peu favorable au déshabillage sous les tuiles ou les ardoises.
Admettons donc que vous soyez vraiment motivé et ayez rempli toutes les conditions précédemment passées en revue. Vous voici donc par une douce après-midi de printemps, en week-end chez vos grands-parents et, usant de je ne sais quel grossier stratagème, vous invitez votre amie à vous accompagner sous les toits…
Erreur ! Les greniers familiaux sont à proscrire ! Vous risquez d’y découvrir malgré vous des secrets de famille : des photos ou lettres compromettantes (lettres d’amour ou de rupture, peu importe) ; un extrait de naissance vous révélant par exemple la véritable identité de votre père génétique ; le livret militaire de votre oncle adoré où il apparaît qu’il est passé en cour martiale pour conduite déshonorante face à l’ennemi ; ou encore un vieil article de journal consacré à l’inculpation de votre grand-père dans une sale petite affaire de mœurs… Bref, autant de coupe-faim qui auront tôt fait d’anéantir vos appétits libidineux.
Le second danger tout aussi redoutable dans les greniers familiaux, c’est la nostalgie. Que d’émotion lorsque votre amie dénichera du premier coup votre ours en peluche, vous savez celui à qui il manquait une oreille, au ventre galeux, et dont on vous avait dit que le chien l’avait déchiqueté et qu’on avait dû le jeter ! Et le voici de nouveau, entre vos mains et vous sentez votre érection fondre comme neige au soleil. En quelques instants, vous êtes redevenu petit garçon de quatre ans, au zizi rabougri et dérisoire. Et je pourrais aussi vous parler de votre premier tricycle ou d’un cahier du jour de CE2 qui vous feraient exactement le même effet !
Supposons que vous ayez enfin réuni toutes les conditions favorables. Par un doux samedi du mois de mai, vous êtes seuls chez des amis qui vous ont généreusement prêté leur maison de campagne pour le week-end. Votre nouvelle compagne, une grande et belle femme brune aux courbes prometteuses, semble dans de bonnes dispositions. Donc, vous visitez la vieille maison, logiquement, de la cave au grenier… Justement, il y a un escalier qui mène sous les combles. La clef est sur la porte. Tout se présente pour le mieux : le grenier est vaste, bien rangé, éclairé par de vastes lucarnes. Dans un coin, on a entreposé de vieux meubles dont un divan recouvert d’une housse… Vous bandez ferme ! Votre partenaire se laisse embrasser, caresser les fesses et peloter les seins… Mais lorsque vous voulez l’entraîner vers le divan, elle vous dit calmement :
- Je suis désolée, tu fais comme tu veux mais j’ai mes règles.
© Michel Koppera, avril 2009
Le dessin est d'Alex VarenneJ'aime bien ton idée de nouvelles dans des lieux autres que la chambre, c'est plein de fraîcheur, d'humour, de fantaisie, c'est bien, ça me plaît bien.
Au fait, je suis plongée dans les aventures du sieur Bémol ! et là, les réunions du vendredi viennent de s'arrêter. lol
Toute une éducation à refaire. lol