Le blog de michel koppera
C'est le moment du bac, un peu de réflexion ne peut pas faire de
mal...
V.Despentes King Kong Théorie (Editions Grasset , 2006)
Chapitre : Porno sorcières
Le porno pose un vrai problème : il défoule le désir et lui propose un soulagement, trop rapidement pour permettre une sublimation. À ce titre, il a une fonction : la tension dans notre culture entre délire sexuel abusif (en ville, les signes en appelant au sexe nous envahissent littéralement le cerveau) et rejet exagéré de la réalité sexuelle (on ne vit pas dans une giga-partouze perpétuelle, les choses permises ou possibles sont même relativement restreintes). Le porno intervient ici comme défoulement psychique, pour équilibrer la différence de pression. Mais ce qui est excitant est souvent embarrassant, socialement. Rares sont ceux et celles qui ont envie d’assumer en plein jour ce qui les fait grimper aux rideaux, dans le privé.* On n’a pas forcément envie d’en parler avec nos partenaires sexuels. Domaine du privé, ce qui me fait mouiller. Car l’image que ça donne de moi est incompatible avec mon identité sociale quotidienne.
Nos fantaisies sexuelles parlent de nous, à la façon détournée des rêves. Elles ne disent rien sur ce que nous désirons voir arriver de facto. (…)
On demande trop souvent au porno d’être l’image du réel. Comme si ça n’était plus du cinéma. On reproche par exemple aux actrices de simuler le plaisir. Elles sont là pour ça, elles sont payées pour ça, elles ont appris à le faire. On ne demande pas à Britney Spears d’avoir envie de danser chaque soir qu’elle se produit sur scène. Elle est venue pour ça, on a payé pour voir, chacun fait son boulot et personne ne râle en sortant « je crois qu’elle a fait semblant ». Le porno devrait dire la vérité. Ce qu’on ne demande jamais au cinéma, technique de l’illusion par essence.
On demande précisément au X ce qu’on craint de lui : dire la vérité sur nos désirs. Je n’en sais rien, moi, du pourquoi c’est à ce point excitant de voir d’autres gens baiser en se disant des saloperies. Le fait est que ça marche. Mécanique. Le porno révèle crûment cet autre aspect de nous : le désir sexuel est une mécanique, guère compliquée à mettre en branle. Pourtant, ma libido est complexe, ce qu’elle dit de moi ne me fait pas forcément plaisir, ne cadre pas toujours avec ce que j’aimerais être.* Mais je peux préférer le savoir, plutôt que tourner la tête et dire le contraire de ce que je sais de moi, pour préserver une image sociale rassurante.
* C’est moi qui souligne
et pour conclure, cette très sensuelle illustration de Jean Morisot. Le dessin de la couverture du livre est signé Marie Meier