Le blog de michel koppera
Extrait 2 : Louis Aragon
La défense de l’infini, Gallimard, 1997 ( le texte original date de 1928 )
Déception au bordel
« Nous montâmes. Ma compagne s’ennuyait beaucoup justement, elle n’aimait pas lire, elle, elle ne savait pas faire du crochet. Alors j’étais bien tombé. Elle faisait valoir en même temps la potiche de chine orange et or garnie de grands iris en toile qui se recroquevillaient montrant le fil de fer, et se seins qu’elle portait déjà très voisins, et qu’elle rapprochait encore à se toucher, d’une main, parce qu’elle croyait que cette mesquinerie naturelle faisait sa beauté. Sa motte était très joliment ombragée par des poils qui avaient gardé leur couleur propre. Les lèvres un peu longues pendaient. Pour le corps assez long, les épaules étaient bien rondes, et le cou commençait à peine à se marquer de plis gras, exagérés par la crème. Sur le lit, elle eut soudainement l’air d’un tas de macaronis. Elle s’embêtait, elle voulait faire des fantaisies. Elle me montrait son cul avec un air canaille. Elle se renversait. Elle gambillait, et disait : Je t’excite, ah le cochon, etc. C’était bien inutile. Rien ne me faisait plus le moindre effet, je n’aurais pas débandé pour un coup de canon. Elle me dit qu’elle voulait se mettre en train et m’attrapa comme je me défaisais, le pantalon tombé, les souliers encore aux pieds. Du lit où elle s’était jetée elle approcha comme une bête absolument distincte d’elle, sa bouche où je vis une dent bleue, à cause d’un plombage à bon marché. Sa langue n’eut pas plus tôt atteint le membre qu’elle tenait énergiquement que le foutre lui sauté aux yeux. J’avais à peine senti ce qui se passait là. Allons, ça ne valait pas mieux qu’un rêve. »