Le blog de michel koppera
Extrait n° 7 : Hervé LE TELLIER
La chapelle sextine (éditions Estuaire, 2005)
Membre de l’Oulipo, Hervé le Tellier a utilisé pour composer cette suite de tableaux érotiques des contraintes empruntées aux géométries des dallages et plafonds d’une chapelle imaginaire : 26 personnages ( 13 femmes, 13 hommes) devant chacun rejoindre le 7ème ciel 6 fois avec 6 partenaires différents et de sexe opposé.
« BEN ET CHLOE. Dans la banlieue chic de Houston, Texas, dans le grand lit de la chambre de ses parents – dont les vacances à Nassau se passent on ne peut mieux, nous rentrons lundi – Ben sent son pénis grandir entre les doigts de Chloé qui l’embrasse timidement, puis avec une résolution croissante. La télévision est allumée sur CNN, elle diffuse en boucle les images d’un attentat qui vient d’être commis à New York. Chloé s’enhardit jusqu’à lécher le gland. La peau, à cet endroit, a, trouve-t-elle, la douceur sèche d’un coussinet de chaton. Ben ne ronronne pas pour autant.
Chloé se dit que si elle était un homme, elle serait homosexuel. Puis, dans un second temps, que cette réflexion est assez con.
CHLOE ET DENNIS. Dans une baignoire ivoire de marque Kimberley Clark, Chloé s’est accroupie sur Dennis, lui présentant son dos bronzé et ses cheveux bruns coups courts, et a introduit son phallus en elle ( au prix de quelques contorsions). Ils ont inondé la salle de bains, puis Chloé s’est décidée à ouvrir la bonde. Et c’est dans une vasque vide qu’elle s’emploie à monter et descendre en gémissant, avec l’énergie qui sied à la situation. Leurs sexes pistonnent dans un chuintement de succion, avec, de temps à autre, un bruit d’échappement d’air, proche de la crevaison.
Dennis a mal au dos, trouve la lumière trop crue, et ses bras trop courts pour atteindre ses seins et le convaincre qu’il est bien avec une fille.
DENNIS ET ELVIRE. L’ascenseur ART (deux personnes, 180kg) transporte au septième étage d’un immeuble parisien Dennis et Elvire (« Monte avec notre ami, a dit son mari à Elvire, Chloé et moi prendrons le prochain »). Au premier, Dennis embrasse la nuque d’Elvire et caresse ses fesses à travers sa robe. Au troisième, sa main contourne ses hanches, soulève le tissu et les doigts se glissent entre les étoffes, jusqu’à son ventre. Au cinquième, le majeur s’insinue plus loin encore entre les chairs humides. Au septième, le doigts s’éclipse (à regret) après une ultime caresse. La porte va s’ouvrir, Dennis remonte délicatement sa main et ils sortent. L’ascenseur repart aussitôt.
Rien n’est plus rassurant que le désir mouillé salé d’une femme, songe Dennis en respirant sa main parfumée. »