Le blog de michel koppera

Boris VIAN : CHATTERIE

Aux Scorpions

Ce poème est encore extrait du recueil "Cantilènes en gelée"

b-vian-banian1-a la cathedrale d eau du zambreze

Quand j’avais douze ans, on descendait

Tous en bande vers la Pointe-à-Pitre

On cueillait des sapotes et des mombins

Sur le bord de la route jaune

Et les oiseaux jouaient à chat perchéb-vian-banian2

En criant des vieux airs créoles

La vie était en forme de dragée

Il n’y avait rien que de très doux

Et, tout de même, plein de substance…

 

Ma nourrice me prenait dans ses bras

À douze ans j’étais aussi grand qu’elle

Mais j’aimais encore tenir dans ma bouche

La pointe ronde et noire de ses beaux seins lourds

Nous nous étendions derrière les cannes

Le vent bruissait parmi leurs feuilles longues

Aiguës et poudrées de soie rêche

Ma nourrice était toujours nue

Et moi, toujours déshabillé

Aussi, nous nous entendions bien

Elle avait une odeur sauvage

Et des dents blanches plein la figure

La terre sentait l’orbenipellule

Et les fleurs de Kongo brûlant

Nous recouvraient de leur pollen orangé.

Pendant trois saisons, j’ai eu douze ans

Parce que j’aimais tant ma nourrice

Je ne pouvais pas la quitter

Ma peau prenait des reflets bruns

Brûlée au soleil de la sienne

Je la touchais avec toutes mes mains ensemble

Les mains de mes yeux, celles de mon corps

Et nos membres fumaient dans l’air veine de noir.

 

Je ne sais comment deux allumettes

Peuvent s’emmêler, mais je sais

Que nous étions bien droits l’un contre l’autre

Comme deux allumettes ; et au bout d’un instant

Un chat n’y aurait pas retrouvé ses petits…

 

D’ailleurs

Il savait bien que ses petits n’étaient pas là.

b-vian-banian3nu Jean Moulin2

Sam 24 sep 2011 Aucun commentaire