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"Crissie et Monsieur K.", chapitre 27 a
J’ai passé les deux semaines suivantes chez moi, en huis clos, à lire et relire ton carnet rouge. Une fois surmonté le malaise initial du voyeur involontaire, la lecture m’a emporté dans l’univers baroque, onirique, à la fois paradisiaque et infernal, de tes deux dernières années. La première des découvertes fut ton écriture manuscrite, faite de boucles et de déliés presque moelleux, mais parfois aussi de finales tranchantes et acérées comme des coups de scalpel dans la chair trop tendre des mots.
Le contenu était à l’image de ton écriture, mélange d’innocentes anecdotes à l’eau de rose et de scènes d’une violence exacerbée. Le texte se présentait comme le journal de bord d’une aventurière en quête d’identité. Au récit, tu avais ajouté des images où alternaient paysages bucoliques, portraits hamiltoniens et scènes extrêmes de bondage, de pénétrations multiples ou de femmes violentées. Tu racontais tout cela dans les moindres détails, avec méthode et détachement. On aurait dit des rapports d’autopsie, sans aucun pathos.
J’ai relu ce carnet plusieurs fois afin de m’en imprégner. Parfois, la lecture de certaines scènes me procurait une érection quasiment spontanée, alors que d’autres tout aussi obscènes me privaient de toute émotion.
Cependant, je n’avais pas oublié tes derniers mots : « Toutes les semaines, à cette même heure, à cet endroit où tout chavire, je t’attendrai. »… C’est ainsi que deux semaines après notre dernière rencontre, à l’heure dite, je suis allé au rendez-vous. Tu étais là, immobile et fière dans le flot des passants.
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