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"Villa Ferjac"
chapitre 5
Par curiosité plutôt que saisie d’un improbable remords, Clara était venue par deux fois nous rendre visite. Malgré l’extrême amabilité de M. Bertholet à son égard, elle en avait conclu que j’étais devenu définitivement cinglé et n’avait plus donné signe de vie.
Lorsque je lui présentai Valérie, il y a maintenant six mois de cela, M. Bertholet fit montre de la même civilité que celle qui avait présidé aux visites de Clara. Pour l’occasion, il dérogea à la règle en acceptant mon invitation à dîner. Durant tout le repas, il fit preuve de beaucoup d’entrain et d’appétit, adressa des éloges flatteurs à la beauté de Valérie et, pour nous distraire, souleva le voile du mystère qui pesait encore sur les circonstances de la mort de Marius en 86 av J.C, écartant les hypothèses de l’assassinat ou du suicide, avant de nous décrire l’apothéose d’un coma éthylique à l’issue d’une beuverie fatale. Sous le charme, Valérie hésitait entre le rire et l’angoisse.
Cependant, le lendemain après-midi, alors que nous parcourions la grande allée sous les pins parasols, M. Bertholet me parut soucieux, presque inquiet, quand je lui annonçai que Valérie viendrait sans doute s’installer à la Villa Ferjac.
- C’est une décision grave, dit-il en fuyant mon regard. L’arrivée d’une femme dans la vie d’un homme est toujours un événement, à la fois un début et une fin… Vous ai-je déjà parlé de Volumnius Flamma, consul en 307 av J.C ?
Ce printemps-là, la présence quotidienne de Valérie dans la maison bouleversa toutes nos habitudes. M. Bertholet avait renoncé à son huis clos du rez-de-chaussée et passait maintenant la plus grande partie de la journée dans le parc et dans le jardin où Valérie avait aménagé des plates-bandes de fraisiers, semé des radis, et même planté un petit pêcher au pied d’un mur ensoleillé. Nos promenades au bord des vagues étaient devenues presque journalières et, le soir, il nous arrivait de dîner sous la tonnelle, dans la douceur du soleil couchant. Marie ne venait plus, mais M. Bertholet paraissait l’avoir oubliée, tout du moins ne fit-il jamais allusion à son absence. Ensemble, nous avions choisi la nouvelle couleur des persiennes qu’un artisan vint repeindre en bleu… Déjà, on envisageait des déplacements de meubles, de nouveaux papiers peints, le réaménagement de la cuisine devenue à nos yeux vétuste et malcommode… Dans tous ces projets, M. Bertholet se montrait le plus audacieux, le plus enthousiaste.
à suivre...
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