Mercredi 25 février 2015 3 25 /02 /Fév /2015 10:03

strip-Affiche A4

Strip-Tyque (une genèse)

 

Le théâtre érotique est une grande tradition de la littérature érotique.

Il remonte aux Grecs et à la comédie antique (en particulier Aristophane avec notamment Lysistrata) mais on peut trouver dans Le Banquet de Xénophon (la scène IX) qui le clôt et qui présente un jeune homme et une jeune femme (Dionysos et Ariane) qui se caressent de façon de plus en plus réaliste et font fuir tous les convives pressés de rentrer chez eux auprès de leurs femmes (?) « pour en jouir », en démentant par leurs sens tous leurs discours philosophiques conformes à celui de Socrate qui refuse tout contact corporel et reste seul ou presque, plutôt que de rejoindre sa compagne Xantippe certes de trente ans plus jeune mais célèbre pour sa laideur et son caractère acariâtre.

De toute façon, formes théâtrales strictes ou romans emplis de dialogues, l’érotisme admis ou poursuivi a toujours irrigué des œuvres qui la plupart du temps s’accordaient avec une pensée réfractaire, irrévérencieuse, libre et joyeuse. 

Ce sont farces du Moyen-âge comme Le débat du con et du cu, puis les œuvres de la Pléiade, puis du XVIIème (le premier roman érotique que j’ai découvert à l’adolescence fut Le moyen de parvenir en belle édition reliée qui se trouvait dans la bibliothèque familiale) jusqu’au XVIIème siècle, les textes depuis les libertins jusqu’aux « débauchés »,  à ceux qui hélas ne sont plus joués de nos jours. Ils nous réjouissent par leur audace, leur verdeur et leur bonne santé.

On sait qu’au XIXème, Maupassant et son à la feuille de rose, maison turque ou Henri Monnier pour le Théâtre de la rue de la santé, ou l’œuvre « inavouable » de Pierre Louÿs  (mais sa pièce Connette et Chloris écrite en alexandrins n’a pas été jouée) ont pour le plaisir de tous et toutes troussé des dialogues savoureux, voire obscènes.

On trouve de nos jours de beaux romans érotiques (comme ceux de José Pierre ou d’André Hardellet) dont certains sont parfois portés sur scène (par exemple l’adaptation du château de Cène  de Bernard Noël), mais le théâtre actuel verse généralement dans la pornographie sans esprit dont seules les didascalies intéressent les spectateurs, ponctuées de temps à autre par des mots obscènes (sans métaphores inédites) disséminés dans une succession de halètements et de cris de jouissance feinte. Le théâtre graveleux en revanche a envahi les boulevards avec ses sous-entendus souvent appuyés, ses cocottes, ses adultères.

Bref, à notre connaissance, le genre a disparu (mais il est possible que je me trompe). J’ai voulu le réhabiliter, ce qui est une justification après-coup –si on me passe l’expression- car cette pièce m’est venue comme ça, qui part de ce qui paraît l’aliénation la plus évidente d’une femme objet des saillies des mâles jusqu’à son apothéose comme supérieurs à eux. L’homme, pour sa part, au contraire du macho coutumier s’émerveille devant les jouissances féminines qu’il envie au fond mais qu’il atteint avec elle en empathie. 

Avec Strip-tyque (Une genèse)  c’est en effet l’amour physique le plus cru auquel je me consacre (et que je consacre) : une femme décrit par le menu ce qu’une quinzaine d’hommes vont faire à son corps mais c’est elle qui au bout du compte les domine en gloire et se révèle comme prêtresse de Dionysos ; un homme après un hymne qu’il voue au clitoris avoue sa dépendance à l’état de son sexe. Les deux qui étaient rivés à leurs corps morcelés en bouts de jouissance pour eux-mêmes ou pour d’autres, d’objets partiels qu’ils étaient, elle pour les mâles en rut, lui du fait des caprices de sa pine, vont se retrouver dans une rencontre égalitaire, de sujet à sujet, dans une globalité triomphante de volupté partagée. Ils partent tous deux avec des corps réduits à quelques cm2, corps aliénés par les hommes qui transforment la femme en objet ou par la verge dont l’homme dépend. Mais c’est pleinement qu’ils vont se rencontrer.

La pièce (habillée) est défendue par deux acteurs et un joueur de bandonéon : l’atmosphère sera à la Pena cabaret de tango Le 1er acte a été créé par Anne de Broca à l’occasion de l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage, il y a quelques années.

Cette pièce a été conçue comme un hymne aux femmes : Strip-tyque qui commence par les apparences de l’esclavage se révèle une initiation à la liberté, ou plutôt aux libertés. J’ai essayé d’être fidèle à la définition du scabreux par Breton : « ce qui côtoie tout au long le précipice, l’évitant de justesse pour en entretenir le vertige »

Denys Treffet

Elle sera créée à L’Essaïon tous les lundis et mardis à 21H30 du 09 mars au 21 avril 2015 pour 14 représentations.

Mise en scène Anne de Broca (assistée de Muriel Piquart) avec elle-même et Erwan Daouphars, musique de Pablo Nemirovsky au Bandonéon, scénographie et lumière Yves Collet

Théâtre Essaïon 6, rue Pierre-au-Lard 75004 Paris (angle 24, rue du Renard)

La place 20€ réservations 01 42 78 46 42 www.essaion-theatre.com

 

Pour tout contact avec l’auteur :  denys.treffet@gmail.com

 

Extraits de Strip-tyque

L’homme :

(…)

Le secret, il est là, le secret de la femme,

il est palpable, il se cache, son secret

dans ce repli minuscule au fond de ses replis,

cette boursouflure qui se dissimule,

petit germe,

dont on croit d’abord qu’il est timide,

qu’il est discret,

ce mignon,

qu’il désire rester inaperçu.

Mais il suffit que l’effleure un troisième doigt,

celui du milieu, celui qu’on nomme le médius,

d’autres l’appellent le majeur, quelle erreur :

tout ce qu’il accomplit est sur le mode mineur, intime,

(…)

Quelle  différence avec mon gland grossier.
On a dit que tu en étais la réduction envieuse.
En fait, c’est lui, mon gland,

qui est ton agrandissement vulgaire.
(…)

 

la femme :

(…)

A cet instant même

rien que par la grâce

de votre regard

sur moi

le premier miracle s'accomplit

vous sentez

là tout en bas de votre ventre,

cette chose qui se déroule

qui se gonfle

qui s'étend,

qui grossit,

qui raidit,

qui vous brûle,

qui s'érige,

qui se dresse vers moi.

Toutes ces pines

qui me désignent,

qui con-

vergent.

 

Elles regardent non pas les femmes

mais la Femme

par la fente de leurs glands

tendus vers tous mes trous.

Des trous, j'en ai six,

vous pouvez les compter :

(…)

on me fouille,

on me ligote,

on cravache mes fesses,

on plonge une main

gantée et lubrifiée

dans ma chatte distendue,

on m'enfonce des aiguilles

dans ma chair,

on me fait couvrir par un chien,

on m'injurie

mais 

personne,

personne

ne pourra jamais

m'humilier.

(…)

 

L’homme et la femme réunis :

(…)

Lui : son nom, oui, c’est d’abord «oui»,

         c’est son nom le plus connu

         mais il en a un autre,

         plus secret,

         d’autant plus secret qu’il est évident

 

 Elle : son nom ?

 

 Lui : son nom, pour tous, depuis toujours,

         dans toutes les langues (elle tire la langue), dans toutes les cultures

 

 Elle : son nom ?

 

 Lui : son nom, c’est la formule

         qui l’appelle

         qui le convoque

         c’est

 

 Elle : c’est ?

 

 Lui : mm

 

 Elle : comment ?

 

 Lui : mmm

 

 Elle : répète

 

 Lui : mmm,

        aucun mot, rien qu’un son,

        le son, pour chacun, de sa voix interne,

        intime,

        en résonance.

 

 Elle : mmm

 

 Lui : la caresse que je te fais

         effleure ma jouissance

 

 Elle : mmm dans le désir

         mmm vers toi

         vers moi aussi,

         mmm vers mon origine

         vers le battement premier

(…)

 

 

Denys Treffet denys.treffet@gmail.com   

mmmm

Par michel koppera - Publié dans : au jour le jour - Communauté : Fantasmes et écriture
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