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Baiser au zoo.
Une fois par mois, mon cousin Matthieu se rend au zoo avec sa femme Nina. Toujours le même jour, le deuxième lundi du mois ; toujours le même zoo. Lorsque j’ai appris ça, j’ai d’abord cru qu’ils s’étaient pris d’affection pour un animal en cage ou que c’était leur façon à eux de se donner l’illusion de voyager au loin à peu de frais.
Nina a 42 ans. C’est une petite femme brune, plutôt boulotte, avec des jambes courtes et un visage avenant. Je ne l’ai jamais connue de mauvaise humeur. Matthieu a presque dix ans de moins que son épouse et ce qu’on appelle un physique ingrat : une dentition pour le moins désordonnée, une petite bedaine et d’énormes mains poilues de bûcheron canadien. Bien qu’habitant une petite maison avec jardinet, ils n’ont ni chien, ni chat, et n’ont jamais évoqué en public le désir d’en posséder. Aussi, leur visite mensuelle au zoo n’a pas manqué de m’étonner, puis d’éveiller ma curiosité. J’ai profité d’un repas de famille où Matthieu avait un peu abusé du punch pour aborder le sujet. On se trouvait seuls, un peu à l’écart. Il a rougi jusqu’aux oreilles ; décidément, ça devenait intéressant.
- C’est très personnel… Tu vas te moquer de moi…
- Mais non ! Allez, dis-moi. Je te promets que je ne le répéterai à personne !
- Promis juré ?... On y va faire l’amour.
Sur le coup, j’ai cru avoir mal entendu. Sans doute avait-il parlé de vautours ou de loups… Je l’ai fait répéter… Non, j’avais bien entendu !
Alors, sans trop se faire prier, il m’a tout raconté. Ils ont choisi un lundi parce que c’est le jour le plus creux de la semaine, le jour où les allées sont presque désertes, sans enfants, où les gardiens fatigués de l’affluence du week-end sont moins vigilants. Comme Nina a des cycles réguliers de trente jours, le second lundi du mois correspond presque toujours à son ovulation.
- Elle est très excitée et les animaux le sentent, me confie Matthieu.
Le jour venu, Nina s’habille avec une jupe assez ample et ne met pas de slip. Tout comme Matthieu qui porte un survêtement avec un pantalon facile à baisser, sans s’encombrer de boutons, de fermeture éclair ou de boucle de ceinture.
Ils débutent leur visite par les volières des oiseaux exotiques. Ces bêtes-là sont sages, à l’exception des perroquets qui parfois se permettent des sifflets et des quolibets salaces. Ils enchaînent avec les parcs où vont et viennent les grands fauves, comme nimbés d’odeurs sauvages qui font frémir Nina, surtout quand ils la fixent avec leurs yeux dorés de cruelle gourmandise.
Mais les choses sérieuses ne commencent que devant les reptiles qui somnolent dans leurs vivariums tropicaux. Matthieu se laisse masser la bite et les couilles pendant qu’ils contemplent en silence les puissantes torsades de l’anaconda ou du python dont les écailles luisent dans la pénombre. Un frisson de désir court sous les doigts de Nina.
Ils poursuivent avec les grands herbivores de la savane africaine. Nina aime particulièrement les spécimens mâles des girafes et des zèbres. Avec un peu de chance, elle les verra bander et ce spectacle suffit à exacerber sa libido. Matthieu me fait une description méticuleuse du gigantesque pénis des girafes. Il me dit aussi qu’une fois, Nina s’est fait lécher la vulve à travers le grillage d’un enclos par un jeune buffle, mais j’ai du mal à le croire.
Le quartier des grands primates constitue le clou de la visite. On y trouve un couple de bonobos, une douzaine de chimpanzés et surtout un magnifique orang-outang solitaire qu’on peut admirer derrière une épaisse paroi de verre. C’est là que ça se passe. Quand ils voient le couple arriver – Matthieu m’affirme même qu’ils sont attendus – les chimpanzés cessent leurs jeux de balançoire et d’épouillage et se rassemblent devant leur grille. Nina soulève sa jupe, Matthieu baisse son pantalon. Ils se branlent de concert. Puis, Nina se met à quatre pattes, la jupe repliée sur les reins, la croupe en l’air ; accroupi derrière elle, Matthieu la prend en levrette. Les chimpanzés hurlent et trépignent de joie, le couple de bonobos baise furieusement, l’orang-outang envoie son sperme sur la vitre, Nina et Matthieu jouissent en grognant.
- Ça nous rend heureux, conclut-il en me laissant.
J’ai raconté l’histoire à Nadège et, à force d’insinuations, je l’ai convaincue de tenter l’expérience. Mais de toute évidence, Nadège n’est pas Nina et je ne suis pas Matthieu. Si le regard doré des grands fauves nous a procuré quelques frissons, le spectacle des reptiles nous a plutôt glacé le sang. Pour nous, les grands herbivores de la savane africaine n’ont fait que d’énormes bouses. Quant aux primates, non seulement ils ont à peine jeté un œil à la chatte pourtant généreuse de Nadège, mais quand on s’est mis en position d’accouplement, les chimpanzés nous ont jeté en criant des trognons et des pelures de fruits douteux et l’orang-outang a copieusement pissé sur la vitre de sa cage.
© Michel Koppera, juin 2009