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Léopold Sédar SENGHOR (1906-2001)
J’ai eu la chance et le privilège de le rencontrer plusieurs fois de 1975 à 1977, puisqu’il se trouvait qu’en France sa propriété de Verson (près de Caen) était mitoyenne de celle de l’oncle de ma compagne. Il y séjournait régulièrement, car sa seconde femme était normande.C’était un vieil homme aimable, d’apparence douce et sereine mais dont émanait une autorité naturelle. C’était un seigneur.
Le poème "femme noire" est sans doute le plus connu de Senghor. En marge du texte, je vous propose six images de cette beauté noire, noblesse d'ébène, plénitude des courbes où se joue et s'égare la lumière, femme noire au sexe mystérieux... Six images de mon désir et de ma révérence.
Femme noire
( extrait du recueil Chants d’ombre, 1945 )
Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté !
J’ai grandi à ton ombre, la douceur de tes mains bandait mes yeux.
Et voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi, je te découvre,
Terre promise, du haut d’un long col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur comme l’éclair d’un aigle.
Femme nue, femme obscure !
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fait lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémit aux caresses ferventes du Vent d’Est
Tam-tam sculpté, tam-tam fendu qui grondes sous les doigts du Vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée.
Femme nue, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau
Délices des jeux de l’esprit, les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moire
À l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux,
Femme nue, femme noire !
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Eternel
Avant que le destin ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.