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"Les adieux", nouvelle inédite
Chapitre 4
- Serge ne devrait pas tarder. Il est allé au vidéo-club louer une cassette vidéo pour la soirée… Tu peux te servir à boire en attendant !
- Non, j’ai tout mon temps, et puis je veux rester lucide jusqu’au bout.
Cécile me sourit. Elle était dans la cuisine, pieds nus, en jupe noire et caraco rouge sang, à surveiller une petite marmite où mijotaient des légumes.
- Qu’est-ce que tu nous prépares ?
- Un truc tout simple : poivrons, aubergines, courgettes…
- J’espère que tu n’as pas tout épluché ! Si ?
- Arrête ! Tu sais bien que je déteste ça ! Au fait, qu’est-ce qu’ils cultivent là-bas ?
- Des bananes, du manioc, et toutes sortes de tubercules aux formes aphrodisiaques et aux vertus magiques !
- Je t’en prie, ne te moque pas de moi !
On est allés s’installer dans le salon pour attendre Serge qui tardait. Cécile me parlait de ses projets, rien que des plans plutôt glauques. Elle avait croisé les jambes et polissait de la paume de la main son genou sans défaut.
- Pourtant, dit-elle, ce n’était pas mal ce qu’on avait construit ensemble… Tu ne penses pas ?
- Si, mais cela ne pouvait plus durer. Tu le sais bien. Et puis, vous trouverez quelqu’un d’autre. Serge, qu’est-ce qu’il en dit ?
- Tu le connais, difficile de savoir ce qu’il ressent, au plus profond. Il dit que ça ne sert à rien d’en faire un drame, mais je pense qu’il est très inquiet.
- Inquiet pour qui ?
- Pour lui ! Il a sans doute peur de me perdre. Depuis que Samyra est partie, ce n’est plus comme avant. Et toi, tu crois que tu vas recommencer là-bas ?
Je n’y croyais pas du tout et cela ne faisait pas partie de mes projets. Samyra ? C’était elle qui avait initié toute cette aventure. On n’avait jamais su d’où elle sortait, ni qui elle était vraiment. Kabyle, sans doute… Je l’avais rencontrée deux ans auparavant, une nuit de juin, sur un car-ferry entre Southampton et Cherbourg. On s’était revus. Puis, elle m’avait présenté Cécile qui vivait avec un ami qui s’appelait Serge. Une fois par mois, le temps d’un week-end, on se retrouvait tous les quatre ensemble. On se promenait, on allait au restaurant ou en boîte… Et puis, tout le reste était arrivé, presque naturellement. Ça avait duré plus d’un an et demi, jusqu’au départ de Samyra. On n’avait pas cherché à la remplacer, espérant toujours son retour prochain…
Serge est arrivé. Il avait trouvé un film, Black and White Party ça s’appelait. Il avait cru me faire plaisir. Il riait trop et découvrait sa gencive où manquait une canine. Cécile accomplit ses devoirs d’hôtesse avec toute l’ardeur de ses trente-deux ans. Elle y mit une application zélée, toute la tendresse obscène du désespoir. Ainsi tenta-t-elle dans des accouplements redoublés et simultanés de suppléer la définitive absence de Samyra. Elle y parvint en renversant les ultimes barrières de sa pudeur.
Cependant, malgré nos rires et nos soupirs, malgré nos désirs frénétiques, malgré l’ivresse blanche du plaisir, ce fut une nuit triste, une nuit sans la flamme du lendemain. Au petit matin, nous étions déjà des étrangers, trop éloignés pour pouvoir échanger un dernier signe d’amitié. Serge souriait encore, mais le carré noir de sa canine absente avait quelque chose de pitoyable. Il avait les lèvres en deuil.
- C’est promis, je vous écris dès mon arrivée !
à suivre...
OUPS !!!! Mea culpa.