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Le fantasme de la veuve désirable et désirée est vieux comme le monde. Il suffit de relire la Bible, l’Odyssée ( avec les prétendants autour de Pénélope ) ou encore les romans de chevalerie, comme cet extrait de Chrétien de Troyes.
Chrétien de Troyes. « Yvain, le chevalier au lion » ( 1176-1181 )
(Traduction de C.A Chevallier, Librairie Générale Française, 1988)
Yvain a tué en combat singulier le Chevalier gardien de la Fontaine Merveilleuse. Grâce à l’aide de la servante Lunette qui lui a donné une bague qui rend invisible, Yvain assiste aux funérailles de son adversaire et tombe amoureux de sa veuve.
« Quand on eut fini d’enterrer le mort, tout le monde se sépara. Il ne resta ni clercs, ni chevaliers, ni serviteurs, ni dames, excepté celle qui ne cache pas le moins du monde son chagrin. Elle reste donc là toute seule : souvent elle se prend à la gorge, elle tord ses poings, bat ses paumes et lit ses psaumes dans un psautier enluminé de lettres d’or. Monseigneur Yvain, lui, est toujours à la fenêtre d’où il l’observe ; et plus il la contemple, plus il l’aime et plus elle lui plaît. Il voudrait qu’elle eût cessé de pleurer et de lire, et qu’il lui fût permis de lui parler. Voilà le désir qu’Amour lui a inspiré, quand il l’a fait prisonnier à la fenêtre. Mais son désir le plonge dans le désespoir, car il ne peut ni imaginer ni croire que son désir puisse se concrétiser, et il dit : « Je puis me considérer comme un fou de désirer ce que je n’obtiendrai jamais ; je lui ai mortellement blessé son mari et j’ai la prétention de faire la paix avec elle ? Par ma foi c’est une prétention grotesque, car elle ne hait plus à cette heure que personne et elle a raison. J’ai dit sagement « à cette heure », car une femme a plus de mille résolutions ». Cette résolution qu’elle a à présent, peut-être en changera-t-elle à un moment quelconque. Que dis-je ? Elle en changera ; il n’y a pas de peut-être qui tienne ; je suis bien fou de me désespérer à ce sujet ; puisse Dieu lui accorder d’en changer bientôt ! car il me faut être en son pouvoir à tout jamais, puisqu’Amour le veut ! ( …) J’ai un immense chagrin pour ses beaux cheveux : ils surpassent l’or fin, tellement ils sont brillants. Ils m’enflamment et m’aiguillonnent de fureur quand je les lui vois rompre et arracher ; tandis que jamais ne peuvent s’épuiser les larmes qui lui coulent des yeux. Tout cela m’afflige. Quoiqu’ils soient pleins de larmes, tellement que celles-ci n’ont ni fin ni terme, jamais il n’y eut deux si beaux yeux. Les pleurs qu’elle verse m’affligent, et rien ne me cause une aussi grande angoisse, comme de la voir lacérer son visage, sans qu’il l’eût mérité le moins du monde. Jamais je n’en ai vu d’aussi bien dessiné, d’aussi frais, d’aussi délicatement coloré. Mais ce qui m’arrache complètement le cœur, c’est de lui voir serrer sa gorge. Assurément, elle ne peut pas s’empêcher de se faire le plus de mal possible. Et pourtant, nul cristal, nulle glace ne sont aussi brillants ni aussi polis. Dieu ! pourquoi commet-elle une si grande folie ? »
La veuve « lubrique » est aussi un des thèmes de l’iconographie érotique dont je vous propose ici quelques exemples.
Les couronnes de l’amour ( cliché Michel Brodsky), extrait du Musée du Fétichisme
Mes Funérailles ( tableau de Clovis Trouille ) ibid
La Veuve ( Max Bruning )
Deux tableaux de Jean-Marie Poumeyrol ( dont La veuve aux miroirs )
Un tableau anonyme : " veuve juive "
Gravure du 19ème siècle : la jeune veuve
Je découvre Poumeyrol, dont j'aime le trait qui perso m'évoque Leonor Fini.
Ce thème m'est indissociable de la Jeanne Moreau assez sexy de La mariée était en noir.
Et surtout, c'est bête que vous n'ayez pas de tableau idoine, de la célèbre veuve joyeuse... la veuve Poignet...
Bonne journée !
E. Rohmer disait une phrase que j'aime beaucoup : Tout est fortuit, sauf le hasard.