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2. Ma vie de bonobo
Il y a quelques années, un ami à qui j'avais bien imprudemment raconté ma métamorphose m'avait demandé si cette expérience m'avait rendu heureux. Sa question était si inattendue et gênante que je n'avais su que bredouiller quelques banalités philosophiques sur la subjectivité du bonheur. Si c'était aujourd'hui, je lui aurais répondu que je n'avais été ni heureux ni malheureux car j'étais un autre. Il m'aurait alors sans doute classé dans son hit-parade des mythos !
Vu de l'extérieur, mon quotidien de bonobo n'était guère différent de celui d'un humain lambda. Je menais la vie paisible et routinière d'un employé de banque sans reproche : j'aimais discuter avec mes collègues près de la machine à café, les retrouver tous les midis au restaurant du coin, participer au pot de départ en retraite d'un ancien... Pourtant, je n'envisageais mes voisines de bureau ou de table que comme femelles, c'est à dire des êtres sexualisés avec des seins à caresser et surtout une vulve humide en haut des cuisses. Chaque matin, juste avant de quitter l'appartement, ma femelle me donnait ses tétons à sucer et sa fente à respirer. Ainsi, tout la journée, loin d'elle, je gardais en bouche la saveur de ses mamelons et en tête l'odeur de son sexe...
Le soir venu, de retour dans le huis-clos de son petit appartement, avant de dîner sobrement en tête-à-tête, on prenait ensemble une longue douche très chaude ; nos corps enduits de savon, on se lavait mutuellement, on se frottait, on se caressait, on s'embrassait à pleine bouche, on se décrassait du monde du dehors, je la léchais, elle me suçait, j'éjaculais une première fois en elle en la tenant par les hanches, elle jouissait une première fois en astiquant frénétiquement son clitoris beurré de sperme. La peau à peine sèche, on passait à table puis vite au lit où on se donnait de nouveau du plaisir...
Tel était notre quotidien, à l'exception du mardi soir, jour de notre cours hebdomadaire de danse de salon. Cela se passait dans une grande maison bourgeoise entourée d'arbres et de pelouse fleurie. Notre maître de danse s'appelait Monsieur Lopez, un grand homme au visage austère, à la silhouette élégante et à la voix puissante. Il nous initiait au tango et au paso-doble. Le cours avait lieu dans une grande pièce nue au parquet luisant, dans le sous-sol de la maison. Chaque mardi, nous y retrouvions deux couples, jeunes comme nous : Nadine et Pierre, elle brune aux cheveux bouclés, lui grand et barbu, ainsi que Carole et Alain, elle blonde un peu plus grande que lui. Il y avait aussi Corinne, une lesbienne aux gros seins et fessue en diable qui avait la phobie des oiseaux, des araignées et des hommes en général, sauf peut-être de Monsieur Lopez dont elle acceptait qu'il lui prenne la main et flatte sa chute de reins.
La première heure était consacrée au tango la seconde au paso-doble. Les couples se mélangeaient comme dans les quarts d'heure américains. Monsieur Lopez nous rappelait constamment que la danse était avant tout une entreprise de séduction, une sorte de parade amoureuse où il fallait apprendre à subjuguer le corps du partenaire, à sentir ses muscles en action, à éveiller son désir. C'était un érotisme codifié où les déhanchés, la précision des pas, les circonvolutions, les frôlements et les pressions des corps, ventre contre ventre, se nourrissaient du rythme cadencé de la musique... Lent, vif, vif, lent...
à suivre...
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