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"Éloge des femmes mûres" est paru en France en 2001 aux Editions du Rocher, puis chez Gallimard. Mais ce roman, devenu best seller, fut initialement publié à compte d'auteur au Canada en 1965 sous le titre "In praise of older women". Son auteur d'origine hongroise Stephen Vizinczey, a dû s'exiler à l'ouest après la répression de la révolution hongroise de 1956. Le roman est disponible en collection Folio n° 4367 (284 pages)
Extrait, pages 248-249 du Chapitre 15 : "Du bonheur avec une femme frigide". Rome. Le narrateur est l'amant de Paola, femme mariée qui revendique sa frigidité.
" Un samedi matin, tard, je fus réveillé par la chaleur. Le soleil m'arrivait dans les yeux à travers les vitres cintrées et les voilages blancs et il devait faire au moins trente-cinq degrés dans la chambre. Pendant la nuit nous avions rejeté la couverture et le drap de dessus, et Paola était étendue sur le dos, les jambes relevées, respirant sans un bruit. Nous ne semblons jamais autant à la merci de notre corps, la proie de notre inconscient, que lorsque nous sommes endormis. Le cœur battant, je décidai de tenter le tout pour le tout. Lentement, je lui écartai les jambes, tel un voleur écartant les branches pour frayer subrepticement son chemin dans un jardin. Derrière la touffe d'herbe blonde, je voyais son bouton rose foncé, avec ses deux longs pétales légèrement ouverts, comme si eux aussi avaient été sensibles à la chaleur. Ils étaient particulièrement ravissants et, toujours avide, je me mis à les humer et à les lécher. Les pétales ne tardèrent pas à s'amollir et je savourai bientôt la rosée de bienvenue, bien que le corps restât immobile. Paola devait maintenant être réveillée, mais elle n'en montrait rien ; elle se maintenait dans cet état rêveur où l'on essaie d'échapper à la responsabilité de ce qui va arriver en déclarant d'avance n'être ni vainqueur ni vaincu. Dix minutes, ou peut-être une demi-heure plus tard (le temps s'était dissous dans une odeur de pin), ses entrailles commencèrent à se contracter et à se relâcher, et, en frémissant, elle accoucha enfin de sa jouissance, ce fruit de l'amour dont ne peuvent se passer même les amants d'un jour. Quand la coupe déborda, elle me prit les bras pour m'attirer contre elle et je pus enfin la pénétrer la conscience tranquille.
— "Tu as l'air content de toi" : telles furent ses premières paroles quand elle posa de nouveau sur moi son regard bleu et critique."
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