Lundi 19 septembre 2011 1 19 /09 /Sep /2011 10:56

Violette LEDUC, La Bâtarde

Violette Leduc est née en 1907 et décédée en 1972

Editions Folio Gallimard, 1964

Page 49. Violette a une dizaine d’années

«  Je traînais, je me sauvais avec les garçons, je m’instruisais dans les cahiers de chansons qu’échangeaient Céline et Estelle. Ne l’ouvre pas, surtout ne l’ouvre pas, me dit Céline en me confiant à la nuit tombante un cahier différent des autres. Je devais l’apporter à une de leurs amies, dissimulé sous mon tablier. Ma mission me coupait le souffle. J’entrai dans le verger saccagé à côté de notre maison. (…) J’entrai dans les mauvaises herbes les plus hautes, j’ouvris le cahier. Une femme racontait sa nuit de noces, elle comparait à une anguille le sexe d’un homme dans le sexe d’une femme. Je ne comprenais pas : je refermai l’étrange cahier, je tombai à plat ventre dessus. Je n’imaginais rien ou plutôt j’imaginais trop. Je voyais des anguilles chez les poissonniers : j’imaginais la virilité sinueuse sous le pantalon, depuis le nombril jusqu’à la cheville. »

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Page 50

« Aimé Patureau, (le fils des voisins) adolescent de dix-sept ans au joli visage rond, aux bandes molletières sablonneuses, se blessa au pied. Le voir seul dans la maison de ses parents pendant que ceux-ci travaillaient dehors, voir sa jambe allongée sur une chaise dans le silence d’une salle à manger m’interloquait. Nous conversions, moi debout près de sa jambe malade. Sa main légère monta sous ma jupe. Aimé Patureau me ratissait avec la grâce d’un page, l’horloge villageoise sur la cheminée sonnait les demi-heures, les quarts d’heure. Je le regardais, il me regardait. Je ne lisais rien sur son visage, il ne lisait rien sur le mien puisque je n’éprouvais rien. Le péché, c’était le feu aux joues. »

batarde1-2agesMartin Van Maele - La Grande Danse macabre de

Page 123. Quelques années plus tard, premières nuits saphiques au pensionnat avec Isabelle

«  Je me glissai dans le lit. J’avais eu froid, j’aurais chaud.

Je me raidis, de craignis de froisser sa toison. Elle me forçait, elle m’allongeait sur elle : Isabelle voulait l’union de nos épidermes. Je récitais mon corps sur le sien, je baignais mon ventre dans les arums de son ventre, j’entrais dans un nuage. Elle frôla mes hanches, elle lança des flèches étranges. Je me soulevai, je retombai.

Nous écoutions ce qui se faisait en nous, ce qui émanait de nous. Des couples nous cernaient, Le sommier gémit.(…) La main suivait les veines, descendait. La main s’arrêta. Mon pouls battait contre le mont de Vénus d’Isabelle. »

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Page 239. Violette partage maintenant la vie d’Hermine, une jeune institutrice

« La vie en hôtel meublé excite. Le mobilier se compte sur les cinq doigts de la main, il nous délivre de la peine des déménageurs. Ce qui se loue allège. C’est la transition entre le dénuement et la possession. Une chambre d’hôtel meublé est l’aboutissement d’une salle d’attente. Cloisons entre les chambres, résonances maudites, résonances aphrodisiaques, communauté d’alvéoles, contagion de la bagarre, du rut, du drame. Nous recommençons l’amour avec nos voisins les amants. Nos semblables en gueulant se précisent, ils nous donnent l’ivresse, la rage. Promiscuité, pénétrations, mirage d’une communauté, voilà l’hôtel meublé. »

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p 313. Hermine et Violette ont besoin d’argent. Violette persuade Hermine d’accepter de suivre avec elle un vieil homme riche dans un hôtel. Ils boivent d’abord du champagne.

« L’alcool ce jour-là me transformait en faune. Je promettais à Hermine des sensations extravagantes Brisée, elle m’écoutait, elle me regardait dans le miroir.

- Je veux bien mais il faut qu’il s’en aille, a gémi Hermine.

Il est sorti.

 C’est à ce moment-là que j’ai suggéré à Hermine de se déshabiller. Elle pleura sur sa misère et sur sa docilité pendant que je l’aidais à se dévêtir de ses principes.

Il arriva sur la pointe des pieds. Impossible d’imaginer un homme plus vêtu, plus correct, plus enfermé dans le sur mesure. Je me déshabillai sans me quitter des yeux dans le miroir.

Et c’est au miroir qu’il a dit avec froideur :

- Vous ressemblez à un saint Sébastien.

Un compliment est un tremplin.

Couchée sur le ventre, Hermine m’attendait. J’ai jeté le drap, j’ai oublié l’inconnu, j’ai oublié Hermine pour mieux l’adorer après l’avoir sacrifiée.

- Aimez-la. Je ne vous demande pas autre chose, ai-je entendu avant que je plonge.

Ferme les yeux, ne les regarde pas, ils ne te verront pas, disais-je à Hermine lorsque ses yeux rencontraient dans les miroirs le visage affairé de l’homme au plafond.

La main décharnée me donnait une coupe de champagne lorsque je ruisselais. »

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Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
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