Jeudi 6 janvier 2011 4 06 /01 /Jan /2011 11:46

Vladimir NABOKOV, Lolita ( 1959 )

Editions Gallimard, collection Folio n° 899

lolita5

Chapitre 13, pages 94 à 98

Rappel du contexte. Le narrateur, Humbert Humbert vient d’arriver dans une ville de Nouvelle Angleterre où il cherche à louer une chambre meublée chez l’habitant. Il s’installe chez une certaine Mrs Haze, veuve, maman d’une fille de 13 ans prénommée Dolorès ( que le narrateur appelle Lolita, ou tout simplement Lo) Cette rencontre va bouleverser l’existence de Humbert Humbert. Dans la scène qui va suivre, H.H se trouve seul au salon  avec Lolita ( la mère est partie à la messe ). Lolita est en train de lire un magazine…

lolita balthus 

« Lo feuilleta violemment le magazine, à la recherche d’une reproduction qu’elle désirait montrer à l’ami Humbert. Elle la trouva enfin. Simulant l’intérêt, je penchai la tête si près que ses cheveux caressèrent ma tempe et qu’elle me frôla la joue de son bras en s’essuyant les lèvres sur son poignet. Une brume mordorée semblait flotter entre l’image et mon regard, et ma réaction fut trop lente au gré de Lolita, qui frotta impatiemment ses genoux nus l’un contre l’autre. Peu à peu, le tableau se matérialisa vaguement  devant mes yeux : un peintre surréaliste allongé avec nonchalance sur une plage, à côté d’une Vénus de Milo en plâtre, tout aussi indolente et à demi enfouie dans le sable. Document de la Semaine, spécifiait la légende. D’un geste, je fis disparaître cette ordure. Aussitôt, feignant de vouloir reprendre le magazine, Lo se jeta sur tout mon corps. Le journal tomba à terre comme une volaille effarée. Se tortillant sur elle-même, Lo se dégagea, recula se laissa choir dans la coin droit du sofa, puis, avec une admirable simplicité, l’impudente fillette allongea ses jambes sur mes genoux.

lolita4J’étais déjà dans un état de surexcitation qui frisait la démence – mais j’avais aussi la ruse du fou. Toujours assis sur le divan, j’exécutai une série de manœuvres furtives afin d’accorder mon désir masqué à la pression de ses jambes innocentes. Il n’était pas aisé de détourner l’attention de l’enfant tandis que j’opérais les obscurs ajustements indispensables au succès de mon entreprise. Discourant avec volubilité, perdant mon souffle et le retrouvant au vol, singeant une subite rage de dents pour expliquer les interruptions dans mon soliloque, et tout cela sans cesser de fixer du regard – le regard secret du dément – mon but radieux et lointain, j’accentuai prudemment la friction magique qui éliminait, au sens hallucinatoire du terme, la texture physiquement inviolable mais psychologiquement tendre te friable de l’obstacle matériel (pyjama et peignoir de soie) séparant le fardeau de ses deux jambes bronzées de la tumeur cachée d’une passion indicible. (…)

Ses jambes, étendues en travers de mon giron à vif, tressaillaient de temps à autre ; je les caressais lentement – et elle se vautrait dans son coin. Lolita l’écolière, dévorant  son fruit immémorial ( une pomme) et chantant à travers sa pulpe juteuse, perdant une pantoufle, frottant son talon déchaussé – une socquette tire-bouchonnée – contre la pile de vieux magazines entassés à ma gauche sur le divan, et chacun de ses mouvements, chaque contorsion et ondulation, m’aidait à dissimuler et améliorer le réseau de correspondance tactile entre la belle et la bête, entre le fauve musclé et tendu à se rompre et la beauté de son petit corps creusé de fossettes sous la chaste robe de coton.

Du bout de mes doigts aux aguets, j’effleurai le duvet imperceptiblement hérissé le long de ses mollets. Je me fondais dans la chaleur âcre mais salubre qui flottait autour de son corps telle la brume d’été. Reste, petite Haze, reste… Comme elle se penchait pour jeter dans l’âtre la pomme sacrifiée, son jeune poids, sa croupe rondelette et ses jambes candidement impudiques se trémoussèrent sur moi – sur mon giron fébrile et torturé qui besognait subrepticement ; et tout d’un coup, un changement mystérieux s’opéra sur mes sens, et j’accédai à une sphère d’existence où rien n’importait plus que l’infusion dr plaisir que ma chai brassait. Ce qui était au début une exquise dilatation des fibres les plus intimes de mon être se métamorphosa en un fourmillement torride qui atteignit soudain cet été de sécurité, de confiance et de sérénité absolues que l’on chercherait en vain dans l’univers conscient. (…) lolita-Sarah Joncas - Vampire Study

Suspendu au bord de cet abîme voluptueux, je répétais après elle des mots au hasard, tel un dormeur parlant et riant dans son sommeil, et, simultanément, ma main bienheureuse rampait sur sa jambe ensoleillée, aussi haut que l’ombre de la décence le permettait. La veille, elle s’était cognée contre la massive commode de l’entrée et – « Regarde, regarde ! hoquetai-je, regarde ce que tu as fait, ce que tu t’es fait à la jambe, ah, regarde » ; car il y avait, je le jure, une  ecchymose ocre et violacée sur sa tendre cuisse de nymphette, que je massai et enserrai doucement de ma grande main velue, et ses dessous étaient trop succints, semblait-il, pour empêcher mon pouce allègre d’atteindre la commissure brûlante – comme on chatouille et caresse une enfant en riant aux larmes, rien de plus, et : « Oh, ce n’est rien du tout ! » cria-t-elle d’une voix perçante, et elle se démena, se convulsa, se rejeta en arrière, la tête à demi détournée, mordillant sa lèvre inférieure de ses dents luisantes – et ma bouche gémissante, Messieurs les jurés, toucha presque son cou nu pendant que j’écrasais sous sa fesse gauche le dernier spasme de l’extase la plus longue qu’homme ou monstre ait connue. »

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Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
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