chambre obscure

Mardi 23 septembre 2014 2 23 /09 /Sep /2014 09:29

Philippe # 2

chambre2-3Monika totalement nue sous un voile de tulle noir transparent, Belle de Jour.

Précieusement, je la tenais par la main afin de l'accompagner dans la descente d'un escalier.

Il nous mena jusqu'à une vaste pièce sombre éclairée par quelques bougies, au milieu de laquelle se trouvait un immense lit circulaire.

Elle n'était que silence et consentement.

Dans l'obscurité je distinguais des formes humaines.

Je fis glisser le voile pour mettre sa peau à vif.

L'allongeai sur le lit.

Me mis derrière afin de la tenir par les poignets.

Ce fut pour eux le signal de l'hallali.

De la pénombre ils sortirent sans que je puisse distinguer leurs visages et se jetèrent sans préambule sur ses volumes et abysses.

Tant il y avait de mains sur sa peau que son corps n'était plus visible.

Curieusement aucun sexe.

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C'est ainsi que tôt ce matin je me suis réveillé, la chair tendue par le flux de mon sang.

Elle dormait nue à quelques centimètres de moi.

Impossible dans mon état de retrouver le sommeil, je me suis résigné à me lever.

Dans la cuisine, je me suis préparé un thé, il ne restait plus que deux sachets : je prohibai le gingembre pour me rabattre sur la menthe, j'allumai une cigarette puis j'ai ouvert le PC pour lire mes messages.

Le laboratoire photo m'avait envoyé le devis que je lui avais demandé.

La somme était conséquente mais il me fallait absolument de la matière pour alimenter le travail de Denis Verlaine, ce dessinateur qui s'était proposé d'illustrer le livre que j'avais depuis quelques mois en projet. Un livre au contenu explicite que je comptais offrir à ma belle.

Une sorte de confession intime et ultime sur l'émotion, l'érotisme, qu'elle provoquait en moi.

Lui dire tout ce qui était inavouable. Un condensé d'intimité, de secrets, qu'il s'agisse de moments vécus ou fantasmés.

Ce livre serait illustré de photos d'elle au fil des années et de dessins.

Je m'apprêtais à valider le paiement lorsque mon index se cabra et les yeux de l'homme de la boutique s'emparèrent de mon esprit.

C'était une évidence, ce travail si particulier, c'était à lui et personne d'autre que je devais le confier.

chambre2Sans rien savoir de ce regard, c'était dans cette boutique et nulle part ailleurs que j'allais déposer tel un trésor ce que j'avais de plus cher et d'intime.

Bien sûr il aurait été plus pratique de le faire anonymement via internet dans ce labo Lyonnais. J'allais connaître des moments de honte,c'était certain, mais la honte ne faisait-elle pas partie du plaisir recherché ?

Elle était finalement bien pratique cette petite boutique de la ruelle déserte.

Il avait dû en voir passer des hommes au chapeau masquant le regard qui venaient lui confier des pellicules licencieuses, peut-être même aussi des femmes !

La première fois que je me suis rendu dans un sex-shop, je crois que l'article dont je me suis souvenu le plus devait être mes pieds tant j'avais honte de lever les yeux et de croiser un regard.

C'était cette émotion-là que je voulais revivre chez lui, le cœur cognant comme un tambour au moment où ma main pousserait sa porte.

Je devais y retourner mais il me fallait attendre une semaine, mon planning était chargé, sa boutique éloignée.

Quel genre de personnage était-il ? Que faisait t il dans sa chambre noire ?

Je n'avais pas l'intention de lui donner tous les négatifs en une seule fois. Je procèderais progressivement, par étapes.

Il me fallait savoir s'il était bien l'artisan qui convenait à mon projet.

Que ferait-il de mes photos ? Etait-il du genre à faire des doubles des images développées,  à les classer avec des thématiques propres à lui dans des albums qui devaient encombrer de vieilles armoires secrètes ?

Se caressait-il en découvrant les corps nus apparaissant au sortir du bain de révélateur ?

Son regard s'était emparé de moi, il me fallait oser le défier.

Tant pis, je devais affronter son jugement, ses sourires, peut-être même sa moquerie.

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Valentin # 2

La semaine qui suivit fut d'une affligeante banalité : quelques portraits de premiers communiants, un nourrisson cul nu sur une peau de mouton et une photo de mariage – elle en robe de mousseline blanche, lui engoncé dans un costume trois pièces trop neuf – elle ne tarderait pas à le tromper, je l'ai lu dans son regard. Rien d'autre ! Depuis l'avènement du numérique et la concurrence d'internet, le travail se faisait plus rare. Alors, je restais de longues heures, assis dans la boutique, à contempler la rue où ne passaient que des chalands furtifs.

chambre2-6Cette fois, il a marqué un petit temps d'arrêt devant la vitrine, puis a aussitôt poussé la porte de verre. Son retour ne m'a pas surpris, c'était dans l'ordre des choses, même si je ne l'attendais pas si tôt. Sous le bras, il serrait comme un trésor une serviette au cuir craquelé. Il affectait un air décontracté, mais je devinais que, intérieurement, la honte et la curiosité se livraient un terrible combat. Il resta de longs instants immobile, tout près de la porte grande ouverte. Peut-être allait-il faire demi-tour ? Son regard me fuyait et cherchait désespérément un point d'ancrage parmi toutes les photos encadrées qui tapissaient les murs. Finalement, sa curiosité l'emporta. Il referma la porte derrière lui et fit les quelques pas qui le séparaient du comptoir sur lequel il posa sa serviette de cuir.

- J'ai là quelques vieux négatifs dont je souhaiterais refaire un tirage papier, dit-il d'une voix étouffée par l'émotion.

Visiblement chaque mot lui coûtait.

- Eh bien, on va voir ça ensemble.

De sa serviette, il tira une grande enveloppe qui contenait effectivement une douzaine de négatifs 24 x 36 en noir et blanc... et aussi quelques formats carrés plus anciens enveloppés dans du papier de soie.

- Ce sont des photos de famille, précisa-t-il alors que je posais les négatifs sur une table lumineuse.

- Ils ont l'air en excellent état. Le labo avait fait du bon travail.

C'était une série de portraits, apparemment d'une femme assez jeune, qui posait en pied ou assise sur une chaise dans un intérieur domestique.

- Je peux vous faire ça pour la semaine prochaine. Il faut juste que vous me précisiez le format, le type de papier et le nombre de tirages que vous souhaitez. Je vous fais un devis ?

- Je veux bien..

Pendant que je préparais le devis, il se pencha vers moi, mais toujours sans me regarder vraiment

- Dans votre vitrine, il y a un écriteau qui dit que vous apportez un soin tout particulier au traitement des épreuves... Pardonnez-moi si je suis indiscret, mais en quoi votre travail est-il différent de celui des autres laboratoires ?

- Vingt-cinq ans d'expérience, beaucoup de passion... et quelques secrets professionnels...

- À propos de secret, j'ai lu aussi que vous travailliez en totale discrétion. Qu'est-ce que cela signifie exactement ?

Nous y étions enfin ! C'était le véritable but de sa visite.

- Disons que mon laboratoire est une sorte de tombe hermétique, un coffre-fort inviolable où vous pourrez déposer sans crainte tous vos secrets, même les plus inavouables.

Il parut soulagé

- Alors, pour cette fois, vous me ferez un tirage de chaque négatif, en format album, sur papier brillant... Ce sera suffisant.

En partant, il me serra fiévreusement la main et pour la première fois nos regards se sont croisés. Au fond de ses yeux dansait la petite flamme de la lubricité.

chambre2-Gilles Berquet - exhibitions 006

La dernière photo est une oeuvre de Gilles Berquet


 

 

Par michel koppera - Publié dans : chambre obscure - Communauté : Fantasmes et écriture
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Lundi 15 septembre 2014 1 15 /09 /Sep /2014 11:59

Pour la reprise du blog, je vous propose le premier chapitre d'un travail collectif d'écriture, commencé voici maintenant plusieurs mois et aujourd'hui toujours en cours. À raison d'un chapitre par semaine, la mise en ligne du texte s'étalera sur plusieurs mois. Au fil des chapitres le récit deviendra de plus en plus chargé en sensualité et érotisme. 

Les auteurs : Philippe (à l'initiative du projet), Caty (auteure d'un chapitre mémorable) et votre serviteur qui s'est glissé dans le personnage de Valentin. 

Présentation

Croyez-vous au hasard ?

Il arrive qu'au détour d'un chemin nous nous égarions.

Au plus profond d'une ruelle oubliée, le destin de Philippe bascule.

Qui est ce mystérieux photographe dont l'étrange marché va faire naître chez cet époux délaissé d'aussi torrides fantasmes ?

Dans la pénombre du laboratoire, les images révélées peuvent parfois réveiller autant de secrets que de passions.

Un récit à plusieurs mains, fruit d'improbables rencontres et de désirs partagés.

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Chapitre premier

Philippe # 1

Faut il croire au hasard ?

En ce jour pluvieux, dans cette ville que je connaissais à peine, je m'étais égaré. Le haut clocher de la cathédrale me sembla être le meilleur moyen de retrouver mon chemin vers la gare qui en était proche. Cette petite rue paraissait y mener rapidement mais à peine y pénétrai-je que je fus saisi d'un sentiment étrange comme si je venais de franchir une porte.

chambre1-3C'était une ruelle d'un autre âge, aux pavés émoussés par le temps, sombre. Esclave de mes propres pieds, j'avançais, inexorablement j'avançais.

Son boyau était étroit puis s'élargissait par endroits comme l'aurait fait un organe se contractant, se relâchant, Une enseigne, semblant perdue au milieu de nulle part, attira mon attention. Je n'en distinguais pas le dessin mais ne parvenais à la quitter des yeux.

En m'approchant je vis qu'il s'agissait d'un œil dessiné derrière le trou d'une serrure, il paraissait m'observer. Le dessin était réaliste.

À quelques mètres, je vis qu'il signalait une boutique sur le fronton de laquelle était écrit: LA CHAMBRE OBSCURE.

La boutique d'un photographe, perdue dans cette rue sans passage, certainement fermée dans l'attente d'un acheteur qui ne viendrait jamais. Qui aurait été assez fou pour faire ici commerce ?chambre1-2

Dans la vitrine des photos d'une autre époque, des mariés d'une autre mode. Sur la droite une affiche me fascina, d'une écriture soignée on pouvait lire : «  J'apporte un soin particulier au traitement de vos images argentiques et numériques. Travail en toute discrétion»

Numérique!!!

Ma surprise fut grande tant l'échoppe paraissait en fin de carrière avant démolition.

Deux photos illustraient le propos : des femmes nues !

Alors que j'étais en train de les observer avec attention, je crus surprendre dans la pénombre un regard qui m'épiait. Il était tard, entre chien et loup. J'ôtai ma capuche afin d'y voir mieux et je fus happé par son regard sans distinguer son visage.

Depuis combien de temps ses yeux étaient-ils braqués sur moi ?

Comme un enfant pris la main dans le bocal à bonbons, je repris mon chemin en toute hâte, la pluie venait de redoubler de violence.

Je retrouvai la gare sans peine.

J'avais prévenu Monika que je rentrerais tard ; à mon retour elle était déjà couchée.

Ma main enveloppa son sein gauche sans la réveiller, la fatigue s'empara bien vite de mon corps.

4 heures du matin, réveil en sursaut un cocktail rêve cauchemar.

Une sorte de remake de Rosemary Baby's de Polanski

 

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Valentin # 1

 

chambre1-4C'était un jour comme je les aime, pluvieux, sombre et triste. J'ai toujours détesté le ciel bleu, toute cette lumière trop blanche qui écrase les reliefs et anéantit les nuances. Il y a quelques années, une chanson affirmait que le soleil donnait la même couleur aux gens. Mais quelle couleur ? Sans doute celle de l'uniformité, de la banalité dans les allées des supermarchés du bonheur...

Moi, Valentin Deriez, je suis un homme des ténèbres, de l'obscurité de la chambre noire. J'aime mon laboratoire où luit une maigre ampoule rougeâtre au-dessus des bacs de révélateur dans lesquels l'image apparaît lentement sur le papier, comme dans un rêve toujours nouveau.

Je me souviens que ce jour-là, je venais de tirer, sur papier satiné, une série de portraits en noir et blanc d'une jeune Anglaise qui souhaitait offrir à son petit ami un souvenir très personnel de son séjour en France.

J'étais donc dans la boutique, à fumer paisiblement une cigarette, lorsque je l'ai vu arriver. Dès ses premiers pas dans la ruelle, j'ai su qu'il ne ferait pas que passer et que je serais amené à le revoir. Comme je l'avais pressenti, il s'est arrêté devant le magasin. Son regard allait d'une photo à l'autre, comme à la recherche de quelque chose. Et puis, soudain, ses yeux ont cessé de bouger : il avait trouvé. C'était la photo de la femme avec un bandeau sur les yeux. Le visage du passant exprimait à la fois la surprise et une sourde angoisse. C'était un homme d'une quarantaine d'années, au regard et aux traits empreints d'une détermination farouche...

À un moment, nos regards se sont croisés et j'y ai vu un éclair de panique. Il s'est éloigné à grands pas, sans se retourner.

chambre1

 

À suivre...

 

 

 

 

 

Par michel koppera - Publié dans : chambre obscure - Communauté : Fantasmes et écriture
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