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Le texte de "Lucius ou l'âne" est daté du deuxième siècle. Son auteur, Lucien (120-200) était originaire de Syrie. Homme politique, philosophe, il séjourna
pendant 20 ans à Athènes. Dans Lucius, il raconte en un peu plus de 60 pages les mésaventures de Lucius, beau jeune homme métamorphosé par mégarde en âne. Pour retrouver sa forme hmaine, il
lui faut manger une rose qu'évidemment il ne trouvera qu'à la fin de ses pérégrinations. Le récit est à la première personne, le lecteur se retrouve lui aussi dans la peau de l'âne. On
peut dire que c'est une approche assez originale de la condition animale, où la bête est avant tout un outil et traité comme tel. L'épisode le plus connu et le plus érotique se situe vers la fin
de l'histoire à Thessalonique lorsqu'une femme l'accueille dans son lit. Voici ce passage
" C'est alors qu'une femme étrangère, très
riche et assez jolie, étant entrée dans mon appartement et m'ayant vu dîner, tomba chaudement amoureuse de ma personne. Ma beauté d'âne, jointe à la merveille de mes talents, lui donna le
désir d'avoir un tête-à -ête avec moi. Elle s'abouche avec mon gouverneur et lui promet une grosse somme, s'il consent à me laisser coucher une nuit avec elle. Lui, sans se soucier si elle
pourrait ou non faire de moi quelque chose, commence par prendre l'argent.
Lorsque le soir est
venu et que le maître nous a renvoyés du festin, nous revenons à notre logis, où nous trouvons la dame qui, depuis longtemps, était arrivée au rendez-vous. On avait apporté de moelleux coussins
et des tapis, dont on nous fait un lit par terre ; après quoi, les esclaves de la dame se retirent et se couchent devant la porte de la chambre. Alors elle allume une grande lampe qui jette une
vive clarté, se déshabille, et se tenant toute nue à la lumière, elle verse du parfum d'un vase d'albâtre, s'en frotte, m'en frotte aussi, et m'en remplit particulièrement les narines. Ensuite
elle me couvre de baisers, me parle comme elle eût fait à son amant, et, me prenant par le licou, m'attire sur le lit. Je n'avais pas besoin d'y être engagé par un tiers : le vin vieux dont
j'avais bu une rasade, l'odeur du parfum qui me stimule, et la vue de cette femme belle de tout point, me font me pencher sur elle. Mais j'étais fort embarrassé de savoir comment la
satisfaire ; car, depuis que j'étais âne, je n'avais point fait l'amour comme mes pareils, ni caressé aucune ânesse. Ma plus grande crainte était surtout de déchirer cette femme, vu la
disproportion qui existait entre nous deux, et d'avoir ensuite un beau procès pour homicide. J'ignorais combien j'avais tort de le craindre. Cette femme, après m'avoir engagé par mille baisers
amoureux, voyant que je ne répondais pas à ses désirs, se couche sous moi comme sous un homme, m'enlace, et, se soulevant, me reçoit tout entier. Moi, pauvre, je craignais encore et je me
retirais tout doucement, mais elle s'attacha si fortement à mes reins, poursuivant toujours le fugitif qu'il ne me fut plus possible de me soustraire. Quand je fus sûr qu'il manquait encore
quelque chose à ses plaisirs et à sa joie, je travaillai sans crainte à la contenter, tout en songeant que je valais bien l'amant de Pasiphaë. Cette femme, du reste, avait de telles dispositions
aux plaisirs de Vénus, et était si insatiable de voluptés, qu'elle employa la nuit entière à mes dépens."
L'ironie de l'histoire est qu'ayant recouvré son apparence humaine, Lucius ira de nouveau rendre visite à la dame qui l'éconduira sans pitié en lui disant : " Par Jupiter, ce
n'est pas toi, c'est de l'âne que j'étais amoureuse ; c'est avec lui et non avec toi que j'ai couché : je pensais que tu avais conservé le bel et grand échantillon qui distinguait mon
âne."
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