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Cet ouvrage est paru au Seuil en 1982. Comme son titre l'indique, il aborde le désir d'un point de vue féminin, ce qui était relativement novateur pour
l'époque. La narratrice nous guide dans les méandres de sa quête du plaisir... Cela passe par des rencontres avec des hommes ou des femmes, mais aussi par des détours plus surprenants comme ces
quelques chapitres "savoureux" consacrés aux fruits : la pomme, l'orange, la figue, la grenade. Je vous laisse le plaisir de les découvrir par vous-même. Ici, je m'en tiendrai à quatre courts
extraits plus conventionnels d'un érotisme assez pervers.
Jeux devant le miroir: " Tu défaisais mon corsage ou soulevais ma jupe, ou je m'agenouillais devant toi et je tournais parfois la tête pour
découvrir cette autre femme que tu fabriquais avec moi, changeant les plis et l'ordonnance de mes vêtements ou l'incitant à de nouvelles poses. Est-ce ta main que j'observais et qui me modelait ?
Ou plutôt la surprise de me voir ainsi, uniquement de dos ? Nous devenions les personnages d'un tableau et nous l'étudiions tant il semblait prêt, entouré de son cadre doré, à recueillir, pour
l'éternité, chacun de nos gestes.
Quand je n'eus gardé de mes apprences successives que mes chaussures à très hauts talons, tu me tournas enfin vers notre double. Seulement alors,
et par surprise, nos regards s'unirent, dans le miroir, tandis que, vêtements entrebâillés, tu me maintenais contre ta poitrine."
Au hammam, en Tunisie : " La masseuse se levait, s'agenouillait, se redressait à nouveau. Quand elle se penchait, je ne voyais d'elle que
les noeuds du foulard sur sa nuque. Brusquement, par surprise, sans qu'elle parût l'avoir prémédité, sans qu'elle cessât de me frotter le dos de sa main droite, elle glissa deux doigts de son
autre main au plus profond de mon sexe. Ce qui m'étonna le plus, ce fut la promptitude, cette certitude entière avec laquelle, sans hésiter, elle me pénétra, trouvant son chemin en moi. Je restai
immobile, me demandant si elle l'avait fait exprès. Mais comme elle continuait de m'étriller de la même façon, au même rythme, j'en conclus qu'il s'agissait d'une coutune de son pays, un souci de
propreté que seule la sottise des pudeurs conventionnelles pouvait rendre suspect. Deux fois encore, elle inscrivit en moi cette douceur violeuse tandis que, dissociant ses gestes, elle me
malmenait aussi. Son visage était incliné et ses paupières restaient toujours baissées."
Crème de beauté ? " Quand, plus tard, je connus les hommes, le plaisir le plus voluptueux et le moins charnel, le plus superstitieux aussi -
et si j'aimais un homme, ce fut le premier que je pris avec lui - consistait à me barbouiller le cou, les seins, de son sperme, comme d'une onction plus religieuse qu'aucune autre. Dans la rue,
je marchais ensuite fièrement, très droite : la poitrine, sous mon pull-over, recouverte d'une imperceptible cuirasse qui collait à ma peau, la tirait, la plissait quand je ruais des épaules pour
mieux sentir son étreinte."
À Ceylan : " Sur la rive quelque chose bougea. Je m'approchai. C'était un jeune homme très mince dont la silhouette brune se confondait de loin avec le tronc
des arbres. Il avait laissé tomber son pagne et me faisait signe de m'approcher - ce que je ne fis pas. Je nageais au contraire parallèlement au rivage, mais le visage tourné vers lui : afin
qu'il ne doute pas de mon attention. Il s'agenouilla et commença à se caresser
Mais moi, j'étais tout habillée de mer, hâtant le battement de mes talons pour que l'eau fuie plus vite, sous mes seins ou, immobile
au contraire, jusqu'à cet instant où je ne sentais plus que ses frôlements. Je creusais les reins. M'aurait-il touchée, ses caresses auraient été celles de l'eau. Alors, j'ai arrêté de nager et
je suis restée face à lui, ainsi qu'on regarde qualqu'un dans les yeux. Et quand il se raidit, je n'ai pu me retenir de plonger dans l'écume des vagues, de m'y rouler, lèvres entrouvertes, et de
tendre le visage vers le soleil, la nuque versée dans la fraîcheur apaisante."
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