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Baiser au théâtre
J’ai un ami, professeur de lettres classiques dans un lycée de province qui, depuis plus de sept années, fréquentait assidûment le théâtre de sa ville. Tous les ans, il prenait un abonnement pour la saison, ne ratait aucun spectacle et, devenu membre actif de l’animation culturelle de la municipalité, s’était vu attribuer au plus haut balcon une loge personnelle.
Aussi, il y a quelque temps, alors qu’il était venu me rendre visite à Paris, je voulus lui faire la surprise d’une représentation d’une pièce de Beckett mise en scène par un créateur new wave qualifié de génial par la critique et qui avait soulevé la polémique au dernier festival off d’Avignon.
Hélas, dès les premières répliques, mon ami donna les signes du plus profond ennui et ne tarda pas à s’assoupir. Il ne reprit ses esprits qu’aux applaudissements du baisser de rideau.
Dans le taxi qui nous ramenait, je me hasardai à lui demander ce qu’il avait pensé de la pièce.
- Tu vas rire, me dit-il très calmement, mais je n’aime pas le théâtre. Je peux même t’avouer que j’ai toujours détesté ça.
Et il commença à me raconter dans les moindres détails une banale et sordide histoire d’adultère. La femme infidèle était l’épouse d’un de ses collègues professeur de physique-chimie, genre brut de décoffrage, dont les passe-temps favoris étaient la culture des cucurbitacées et le modélisme nautique. Il passait donc le plus clair de son temps libre soit dans son jardin, soit dans son atelier à peaufiner des maquettes de paquebots transatlantiques, jusque tard dans la nuit, au grand désespoir de sa femme qui se languissait seule en regardant les programmes d’Arte.
- Le plus comique dans l’histoire, c’est que c’est son mari lui-même qui est venu me demander si je voulais bien servir de chevalier servant à Béatrice – c’est comme ça qu’elle s’appelait. Elle aimait les musées, les films d’art et essai et bien sûr le théâtre. Alors, il avait pensé à moi.
Dans les premiers temps, ils étaient allés ensemble au vernissage d’artistes locaux, avaient vu quelques films japonais sous-titrés, jusqu’au soir où ils avaient assisté à une représentation de Caligula d’Albert Camus. Béatrice en avait été bouleversée, au point de se laisser prendre la main et caresser les cuisses au quatrième acte. Malheureusement, ils étaient assis au parterre et n’avaient pu pousser plus avant.
Aussi, dès le spectacle suivant, une pièce de Courteline dont il avait oublié le titre, mon ami avait loué une loge, celle-là même qui lui était désormais régulièrement attribuée.
- C’est un théâtre à l’italienne. J’ai choisi une loge de la galerie la plus haute, juste dans l’axe de la scène, bien à l’abri des regards. À chaque fois, je réserve les quatre places.
Béatrice avait quarante-quatre ans et occupait le poste de secrétaire de direction dans une collectivité locale. Il me la décrivit comme une femme sensuelle, sans fausse pudeur. Elle était selon ses dires plutôt jolie, brune aux yeux noisette, mais il ne put m’en apprendre davantage.
Ils ne se rencontraient qu’au théâtre, c'est-à-dire une dizaine de fois par an. Pour la soirée, Béatrice portait toujours une jupe cloche, assez ample et donc facile à relever ; lui, venait en pantalon de tergal, sans ceinture, ni caleçon dessous, si bien qu’un simple zip de la fermeture Eclair suffisait pour lui mettre bite et couilles à l’air. Ils prenaient place dans les deux fauteuils du fond, les plus éloignés de la lumière. Au premier acte, ils se prenaient la main, puis Béatrice s’emparait de sa queue raide tandis qu’il lui caressait la chatte, car elle prenait soin de venir sans culotte. Au second acte, elle le suçait ; ensuite, au troisième, c’était lui qui s’agenouillait entre les cuisses ouvertes de Béatrice, glissait sa tête sous la jupe relevée et lui léchait la chatte, vulve et clitoris. À l’entracte, ils s’offraient un rafraîchissement au bar et discutaient de la pièce avec des connaissances.
- C’est difficile à croire, mais tout en me suçant, Béatrice arrive à suivre la pièce : elle est capable de commenter le jeu des acteurs, de raconter l’intrigue et même de se souvenir, mot pour mot, de certaines répliques.
À la reprise, ils baisaient pour de bon. Tournée vers la scène, elle s’asseyait sur lui. Elle prenait appui sur le dossier du fauteuil de devant et remuait doucement le cul. Ils n’avaient jamais baisé autrement. Il connaissait son arrière-train sur le bout des doigts, du satiné de son entrefesses jusqu’au velouté de sa chute de reins. Je n’osai lui demander si dans cette position favorable il l’avait enculée, mais je ne pense pas. Mon ami était trop conventionnel pour cela. Béatrice jouissait pendant les applaudissements et les rires. Elle avait le truc pour ça : elle impulsait à son vagin de puissantes contractions, aspirait la bite au plus profond, pressait les couilles de mon ami contre son clitoris, alors l’orgasme venait.
Il se retenait de décharger, de crainte de laisser des pièces à conviction sur le velours rouge des fauteuils. Mais il lui arrivait de se laisser aller pendant le salut final, juste avant le retour des lumières dans la salle.
- Tu te rends compte, ça va faire sept ans qu’on baise et on ne s’est jamais embrassés ! m’avoua-t-il avant de reprendre le train. Je connais le goût de sa chatte, pas celui de ses lèvres. Et je ne te parle pas de ses seins que je n’ai jamais vus !
- Est-ce que tu l’aimes au moins ?
- Pas plus que Titus n’aimait Bérénice.
Hier, j’ai entendu à la radio que le théâtre de cette ville avait été partiellement dévasté par un incendie, sans doute d’origine criminelle, et que les travaux de restauration devraient durer au moins deux ans.
© Michel Koppera, avril 2009
Trois dessins sont de
Varenne. Quant au quatrième ( la queue en main) j'ignore le nom de son auteur.
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