Lundi 9 juillet 2018 1 09 /07 /Juil /2018 08:00

"Les adieux", nouvelle inédite 

Chapitre 7

Elle était imprévisible, capable du pire comme du meilleur. Elle m’avait habitué au pire. Mais ce jour-là, elle avait posé sur la table une bouteille de Saint-Julien, crû grand bourgeois, d’un âge déjà vénérable.

- On n’attend pas Guillaume ?

- Non. Il passe la journée chez un copain. Qu’est-ce que tu penses du vin ?

- Excellent ! Et ton gratin dauphinois aussi.

Elle s’était maquillée : carmin violent sur les lèvres, liseré de mascara aux paupières, vernis à ongles sanglant… Donc, toasts au tarama, carré d’agneau et gratin dauphinois, salade verte au vinaigre de xérès, bavarois aux fraises… Propos de table : travail, saveurs, films récents, actualité politique… Mais de mon départ, il n’était pas question.

Elle avait servi le dessert sur la table du salon, au centre du demi-cercle formé par le canapé et les fauteuils.

- Bois ton café, je vais chercher les papiers.

adieux7-0Elle avait disparu dans les entrailles de l’appartement. Je n’allais pas tarder à céder aux délices de la sieste. La chaîne-hifi diluait une musique douce dans la moiteur confortable des rideaux tirés. Dans la tasse, un fond de sucre roux commençait à se figer.

Elle a posé quelques feuillets imprimés sur la table. Elle ne portait plus qu’un léger peignoir qui découvrait ses jambes gainées de bas résille… Avec ses talons hauts, elle me parut tout à coup gigantesque. Elle prit place dans le fauteuil, juste en face, croisa les jambes pour me laisser entrevoir la peau blanche de ses cuisses, au-delà de ses bas suspendus.

- J’ai acheté des courgettes et des concombres, dit-elle avec un détachement soigneusement calculé.

Le nœud du désir m’étreignait déjà l’estomac. Elle poursuivit sur le même ton anodin.

- Et aussi une petite aubergine. Elles sont à tremper dans l’eau chaude… Je t’ai préparé le camescope.

Elle dénoua la ceinture du peignoir et m’apparut dans toute sa splendeur lubrique, à peine vêtue d’une lingerie magnifiquement obscène qui projetait ses seins vers le ciel, transformait son bas-ventre velu en une étrange architecture de soie rose, de poils noirs, de dentelle blanche, d’ombres lourdes, de chairs luisantes…

Et sa vulve végétalienne avalait tout, jusqu’à satiété. Elle voulait des séquences provocantes, du plan large au gros plan obstétrique, sous les angles les plus audacieux, comme pour attester de sa performance. Entre deux prises de vue, elle se laissait aller aux confidences.

- Qu’est-ce que je vais devenir ? Y as-tu pensé ? Donne-moi l’aubergine ! Tu étais le seul à me comprendre. J’ai bien essayé avec d’autres, mais ils m’ont prise pour une détraquée. Toi, tu sais bien que je ne suis pas folle…J’ai peur. Attends, pas encore. Tu ne peux pas imaginer comme c’est bon ! Mais toute seule, ce n’est pas pareil ; il faut que tu me regardes, que tu me dises que c’est beau, que je sente le poids de tes yeux sur mon corps… C’est pour ça que je fais des films. Je me les repasse, la nuit, dans le secret de ma chambre. Je me vois et c’est comme si tu me regardais. Je t’enverrai une copie de la cassette, tu veux bien ? Vas-y, tu peux tourner, je sens que je vais jouir !

Le film touchait à sa fin.

- À toi maintenant ! S’il te plaît, viens !

Elle me retenait prisonnier dans l’étau de ses jambes…

- Tu veux un autre café ? Tiens, en attendant, lis ces papiers !

adieux7-1

Elle est repartie dans la salle de bains. Bruits de tuyauterie. Rien que des formulaires bancaires ou judiciaires, des autorisations de prélèvement, des délégations de pouvoir… Elle revint, le visage et le pantalon fermés.

- C’est quoi ce papier ?

- Ça ? C’est mon avocat qui me l’a donné. C’est un formulaire  où tu demandes à renoncer à l’autorité parentale. Tu comprends, quand tu seras à dix mille kilomètres, il faudra bien que je prenne des décisions toute seule.

- Et la pension alimentaire, ce n’est plus le montant habituel ? Là, je vois qu’elle a presque doublé !

Elle se maintenait à distance.

- Bien sûr ! Tu t’imaginais peut-être que tu allais pouvoir partir comme ça, sans assumer tes responsabilités. Je te rappelle que Guillaume est maintenant au collège et qu’il a grandi ! Il coûte cher, de plus en plus cher ! Je vais l’avoir sans arrêt sur le dos, tous les week-ends, toutes les vacances… Tu ne vas pas me dire que tu ne peux pas payer, avec tout le fric que tu vas te faire là-bas !

- Ce n’est pas ce que je veux dire, mais…

- Alors, ne dis rien ! Ce gosse, on l’a bien eu ensemble, non ? Ça fait presque dix ans que je m’en occupe seule. T’es quand même un beau salaud ! Tu te barres au soleil, à toi la belle vie ! Et nous, alors ? Et tu te permets de pinailler ? Tu ne manques pas de culot !

Et elle parlait, parlait… Plus moyen d’échapper à son hystérie verbale. Je n’écoutais plus. J’ai signé.

 

à suivre...

adieux7

Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
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