Mardi 27 juillet 2010 2 27 /07 /Juil /2010 09:45

 

Putain, Nelly Arcan

Nelly Arcan était née en 1975 au Québec. Elle s’est suicidée en juillet 2009. Elle est l’auteure de trois ouvrages remarquables par leur qualité d’écriture : Putain (2001), Folle ( 2004) et À ciel ouvert (2007 )

Putain est paru en France aux Editions du Seuil et a fait l’objet en 2009 d’une réédition dans la collection Points ( édition limitée de grands textes érotiques, aisément repérables dans les rayons par leur couverture rose ). Largement autobiographique, l’écriture de Putain est originale par le fait quil se présente comme une succession de paragraphes-chapitres composés d’une seule phrase.

Voici trois extraits de Putain 

 

Pages 49-50 :

arcan1C’est vrai que je suis injuste, que ce n’est pas que ça, qu’il y a autre chose même pour les hommes, le besoin de plaire par exemple, de se sentir beau et bon, d’ailleurs il font grand cas de la taille de leur queue, est-elle assez grosse, suffisamment longue, ils veulent aussi me faire jouir à tout prix, et pour mon seul plaisir, ils font courir leur langue sur moi comme si j’étais tout entière fente, comme si c’était normal de faire ça avec une femme qu’on voit pour la première fois, une femme qui pourrait être leur fille, il ne faut jamais l’oublier, et ainsi laissent-ils de grandes traînées de bave sur mes cuisses qu’ils regardent ensuite comme si ça venait de moi, tu mouilles jusqu’aux genoux mon amour, tu vois bien que tu aimes ça, et moi je leur souris gentiment, continue mon chéri, ne t’arrête surtout pas, et que font leur femme pendant ce temps de l’entre-deux-rendez-vous-d’affaires, sont-elles penchées sur le plombier ou le facteur comme dans les bonnes vieilles farces sur l’origine des enfants, ou sont-elle en train de dormir comme ma mère, de mourir sous les couvertures d’être si peu vues, si peu touchées, la peau du ventre qui se relâche, les mains qui se couvrent de taches brunes et qui se mangent l’une l’autre, et laissent-elles aussi leur fille s’en mettre plein de la queue de leur père, de papa chéri et des oncles qui bandent qu’elle soit assise sur leurs genoux pour la faire sauter un peu, le petit galop de la bonne nuit avant la prière du soir, la souplesse de la chair qui n’a pas fini de grandir et qu’on veut attraper au vol.

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Pages 77-78

Avant ma naissance, mon père menait déjà son existence d’homme, à ce moment il était beaucoup plus jeune, à peine vingt ans, il faut dire qu’il est plus facile de bander lorsqu’on est jeune, d’oublier Dieu le temps de se soulager, et déjà il signifiait à ma mère qu’elle n’était pas la seule femme de sa vie, qu’elle ne pourrait jamais l’être var que peut-on faire devant la multitude de femmes à aimer, devant leurs seins qui se donnent en spectacle, qui battent le rythme de la marche et qui se tendent à perte de vue, eh bien on ne peut que vouloir les toucher, on ne peut que les faire venir près de soi pour mieux les détailler, comme le faisait sans doute mon père dans cette fabrique de sous-vêtements où il a travaillé pendant quelques années, où il devait paraît-il faire parader devant lui les couturières en sous-vêtements pour en contrôler la qualité, pour ajuster au besoin ce qui était trop serré ou pas assez, avec le bout des doigts j’imagine, resserrer les bretelles et suivre la broderie, tirer les coutures pour les faire céder et rester songeur devant le résultat, mon père était chargé de contrôler la qualité des sous-vêtements, c’est ma mère qui me l’a dit, il était le représentant des ventes, voilà pourquoi il a beaucoup voyagé à l’extérieur du pays, la petite valise pleine d’échantillons, et ce n’est pas tout car il offrait de l’argent pour l’essayage, certaines devaient s’y prêter mieux que d’autres, les plus belles et les plus jeunes sans doute, enfin celles qu’il devait solliciter plus que les autres,  celles pour qui on aime fabriquer des sous-vêtements avec des armatures et de la dentelle, un tissu transparent qui laisse voir les mamelons 

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Pages 112 et suivantes

arcan4Et c’est chaque jour la même chose avec le corbeau, chaque fois le même scénario, comme avec la plupart des clients d’ailleurs, ils ont tous leur façon de bander, d’imaginer la série des trémoussements et des soupirs qui les portera jusqu’à l’orgasme, il enlève d’abord son manteau en me questionnant, est-ce que j’ai envie de baiser, est-ce que j’ai envie qu’il me lèche et quels sont ces endroits que j’aimerais qu’il lèche, il me demande de lui faire voir à quel point je peux ouvrir les jambes et combien de temps puis-je rester ainsi, les jambes ouvertes, et là je lui montre, voilà il faut ouvrir un peu plus et puis cambrer le dos, jeter la tête vers l’arrière et mettre la petite culotte sur le côté, et peut-être puis-je me retourner sur le ventre et me déhancher devant lui, les fesses bien hautes, d’abord tout doucement et ensuite avec fureur, en prenant soin de gémir à chaque coup de rein, et là je fais tout ce qu’il me demande du mieux que je le peux, j’adore baiser à distance, lui dans le fauteuil et moi sur le lit, lui et moi s’affolant de voir l’autre s’affoler, j’aime qu’il se masturbe pendant qu’il me questionne, d’abord à travers l’étoffe de son pantalon et ensuite dedans, la main qui s’agite par saccades, j’aime sa façon de me vouloir à portée de la main sans me toucher, de vouloir que se répète un geste, un cri, de me regarder comme on regarde un film, les yeux perdus dans l’écran, ses yeux noirs couronnés d’épais sourcils blancs qui voyagent entre les seins et la fente, et ce serait parfait s’il en restait là, s’il ne faisait pas chaque fois la bêtise de s’approcher pour me pénétrer, ses soixante-dix ans écrasant ma personne, mais ouvre donc un peu plus les jambes ma chérie,…

arcanfrancois dubeau 6

 

 

Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
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Commentaires

Bonjour.
Le bouquin de Nelly Arcan doit traîner dans un des multiples recoins de mon appart, p. e. dans l'"enfer" de ma chambre. Je me souviens l'avoir délaissé, prise de gêne, mais c'est un souvenir occulté . J'ai le même souvenir opaque de "Viande" de Claire Legendre. Je me rappelle aussi avoir vu N. Kaplan à la télé. Et avoir été étonnée de sa jeunesse et du décalage ressenti avec ce qu'elle disait . Le suicide, éternellement, me confondra de perplexité. Tout plutôt que la grande mort, même s'il faut être bien naîf, et donc optimiste, ce qui du coup s'explique, pour croire que l'espoir est ce qui meurt en dernier. Euh, bonne journée quand même !
commentaire n° :1 posté par : N. le: 27/07/2010 à 11h06
Pardon pour le lapsus entre Nelly Arcan et Kaplan, laquelle,due à l'homophonie proche sans doute, et au fait que cette autre Nelly a oeuvré aussi dans l'érotique.
commentaire n° :2 posté par : N. le: 27/07/2010 à 11h10
Quelle femme ne l'a pas été au moins une fois, ne serait-ce qu'en pensées?
commentaire n° :3 posté par : Sophia le: 28/07/2010 à 12h41

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