Vendredi 7 août 2009 5 07 /08 /Août /2009 11:42

Baiser dans une bibliothèque

 

Mon amie Gabrielle est dans tous ses états : à trente-six ans, elle vit son premier grand amour. Pas avec moi, je la connais trop pour me compromettre avec elle, mais avec un jeune lecteur de Diderot.

- Vous vous voyez souvent ?

- Tous les jours, sauf le week-end et le mardi.

- Il est médecin de garde ?

- Non, il est marié et tu sais bien que la médiathèque est fermée le mardi.

- Tu ne vas pas me dire qu’il vient te retrouver là-bas !

Gabrielle baisse les yeux, le rouge lui monte aux joues.

- Si…

- Et où en êtes-vous ?

- À la fin.

- Déjà ?

- Je veux dire aux derniers chapitres de la Religieuse, lorsque Suzanne s’enfuit du couvent.

Gabrielle est tout émoustillée et brûle du désir de me conter son aventure.

« Tout a commencé lundi dernier. J’étais de service à l’accueil, chargée des nouvelles inscriptions. Un homme se présente. Quelques minutes plus tard, je savais tout de lui, son identité, sa date de naissance, son adresse, son numéro de téléphone. Il s’appelle Rodolphe, comme l’amant d’Emma Bovary. Je l’ai accompagné du regard quand il s’est dirigé vers la grande bibliothèque. Trois heures plus tard, il n’était pas ressorti. Tu me connais, curieuse comme je suis, je suis allée à sa recherche. J’ai bien cru qu’il s’était volatilisé, mais j’ai fini par le retrouver, assis à même le sol dans une allée du département philosophie, comme un gamin qui feuillette une BD à la FNAC. Il lisait. «  Sœur Sainte-Augustine, mais tu es folle d’être honteuse, laisse tomber ce linge : je suis femme, et ta supérieure. Oh ! la belle gorge ! Qu’elle est ferme ! » Sa voix était douce, chaude, douloureusement grave. C’était l’heure de la fermeture. En partant, il m’a dit peut-être à mercredi. Je ne te raconte pas mon mardi, une horreur ! Mercredi matin, je me suis réveillée prête à tout. Et ce salaud qui ne venait pas ! Pourtant, j’avais mis une jupe – ça n’a échappé à personne. Au fil de la matinée, je me suis décomposée. Rodolphe n’est arrivé qu’à seize heures, sans un mot d’excuse. Tu n’imagines pas dans quel état j’étais : une vraie loque ! Je l’ai retrouvé dans la même allée des philosophes du dix-huitième siècle, assis au même endroit, en train de lire le même livre. Je me suis assise en face de lui : s’il relevait la tête il ne pouvait rater ni mes jambes nues, ni ma culotte pervenche tout au fond entre mes cuisses entrouvertes. « Le premier soir, j’eus la visite de la supérieure ; elle vint à mon déshabiller. Ce fut elle qui m’ôta mon voile et ma guimpe, et qui me coiffa de nuit ; ce fut elle qui me déshabilla. Elle me fit cent propos doux, et me fit mille caresses qui m’embarrassaient un peu, je ne sais pas pourquoi, car je n’y entendais rien. »Adossée aux œuvres complètes de Voltaire, mes cuisses s’écartaient d’elles-mêmes, comme soumises aux mots. Son regard s’est posé rapidement sur mon ventre et il a refermé brutalement le livre. On reprendrait le lendemain.

Quand je suis arrivée jeudi matin, il était là, devant la porte à attendre l’ouverture. J’avais remis la même jupe que la veille, mais – non, ne te moque pas – sans culotte. De toute façon, elle n’avait plus aucun sens, j’étais déjà dégoulinante de désir. Je l’ai regardé pour la première fois : il n’est pas grand, ni spécialement beau. La cinquantaine, quelques cheveux blancs, des ongles impeccables, une main presque féminine et une voix d’hypnotiseur de foire. Je l’ai suivi au siècle des lumières. Dans un sac, il avait apporté deux petits coussins de velours cramoisi : un pour mes genoux, l’autre pour ses fesses. Il m’a fait mettre en prière et a repris sa lecture. « La main qu’elle avait posée sur mon genou se promenait sur tous mes vêtements, depuis l’extrémité de mes pieds jusqu’à ma ceinture, me pressant tantôt dans un endroit, tantôt en un autre… » Alors que sa main gauche tenait le livre ouvert comme un missel, sa main droite courait sous ma jupe, me caressait les cuisses, m’ébouriffait la touffe, m’agaçait le clitoris et me fouillait la chatte. En jouissant, je lui ai inondé les doigts qu’il s’est essuyés sur le dos d’une édition originale du Système de la Nature du Baron d’Holbach.

- Tu n’avais pas peur qu’on vous surprenne ?

- Non, plus personne ne s’intéresse à la littérature du dix-huitième. Ce sont des vieux livres, avec des reliures en cuir et des f à la place des s… Il n’en faut pas plus pour décourager le lecteur. Mais laisse-moi terminer. Vendredi, on s’est carrément aménagé une sorte de niche dans la Grande Encyclopédie en cinquante volumes, au plus profond de la bibliothèque. Nos murs étaient de cuir, notre ciel de poussière. Il m’a ouvert le livre à la page qu’il avait cornée et j’ai lu : « Jamais vous n’avez pensé à promener vos mains sur cette gorge, sur ces cuisses, sur ce ventre, sur ces chairs si fermes, si douces et si blanches ? » Trois fois j’ai chuchoté cette phrase, trois fois il l’a répétée après moi, de sa voix brûlante. Et pendant que je lisais, il avait la tête sous ma jupe, caressait mes seins et mes fesses nues, me léchait le ventre. Trois fois j’ai joui dans sa bouche.

- Si je comprends bien, vous n’avez pas baisé ?

- Pas encore. Mais dès demain, on s’attaque à la Philosophie dans le Boudoir de Sade. Tu crois qu’il est plus prudent que j’apporte du lubrifiant ?

 

© Michel Koppera, juillet 2009



Le blog va entrer dans une courte période de sommeil de deux semaines, le temps de prendre quelques vacances. En attendant, vous avez près de 340 articles à feuilleter, ainsi que des albums de photos et dessins ... à bientôt. Je vous retouve dans 15 jours avec toujours plus d'érotisme
Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
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