Lundi 15 octobre 2012
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Aujourd'hui, j'inaugure une nouvelle catégorie que j'ai intitulée "La grande galerie". Je sais que c'est un peu prétentieux
(ça fait un peu Galerie des Glaces) mais je n'ai rien trouvé de mieux. Il s'agit de présenter une oeuvre que j'aime et de la commenter.
Jean-Jacques LEQUEU (1757-1824), "Et nous aussi nous serons mères, car..."
Ce tableau, daté de 1794 ( an 2 de la République) est le plus célèbre de Jean-Jacques
LEQUEU. Sa notoriété tient autant de sa beauté plastique que de la force de son titre, comme si, avec près de deux siècles d’avance, Lequeu avait mis en œuvre le slogan de Paris Match :
« Le poids des mots, le choc des photos ».
Comme souvent chez Lequeu, le visage de la jeune religieuse n’exprime quasiment
aucune émotion ; le regard semble absent, comme perdu dans le vide, frôlant le nôtre de quelques centimètres. Visage au demeurant d’une stupéfiante perfection, semblable à un masque de
carnaval vénitien (on y retrouve l'obsession de la symétrie de l'architecte qu'était Lequeu). Aucune ride, aucune altération de la peau. De l’arc des sourcils à la fossette du menton, tout est
sublimé. Et puis, il y a ce geste pour dévoiler sa gorge ronde, généreuse et le téton coquin. Observez que sa main aux doigts délicats tient le tissu comme un sexe d’homme…
Le titre demande quelques éclaircissements. Il ne prend tout son sens que replacé
dans son contexte historique : 1794, c’est la Terreur instaurée par le Comité de Salut Public issu de la Convention Montagnarde, avec par exemple ses tentatives d’imposer le calendrier
républicain et de contrôler le clergé qui droit prêter serment d'allégeance à la République.
« Et nous aussi nous serons mères, car… ». « Et nous
aussi » : le titre est donc la suite d’une phrase déjà commencée. « nous aussi », comme qui ? Comme les autres femmes, les laïques, celles du dehors. Notez
que Lequeu n’écrit pas nous serons femmes, mais nous serons mères, en contrepoint du sein nourricier dévoilé par la novice. « car.. » : le point de
suspension laisse la phrase inachevée. Car avec la République, nous allons pouvoir disposer librement de notre corps ?
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