Vendredi 21 mars 2008 5 21 /03 /Mars /2008 14:09

V-Leduc.jpg Paru en 1966 aux éditions Gallimard, " Thérèse et Isabelle" raconte les amours lesbiennes de deux élèves pensionnaires d'un collège religieux. Thérèse en est la narratrice. Les tableaux saphiques se succèdent dans ce court roman de 120 pages. Je vous ai choisi une des dernières scènes où les deux jeunes filles s'abandonnent l'une à l'autre: 
       " Nuit, ventre du silence.
       Isabelle se soulevait, lente, lente, ses lèvres intimes se refermaient  sur ma hanche. Isabelle bascula.
       Je cherchai sa main, je la mis sur mon dos, je la fis descendre plus bas que mes reins, je la laissai sur le bord de l'anus.
       - Oui, dit Isabelle.
       Je patientais, je me recueillais. 
       - C'est nouveau, dit Isabelle.
       Le timide entra, Isabelle parla :
       - Mon doigt a chaud, mon doigt est heureux.
       Le doigt inquiet n'osait pas.
       Nous l'écoutions, nous avions de la volupté. Le doigt serait toujours importun dans le fourreau avaricieux. Je me contractais pour l'encourager, je me contractais pour l'emprisonner.
       - Plus loin, je veux plus loin, gémit Isabelle, la bouche écrasée sur ma nuque
       Ellle força dans de l'impossible. Encore la phalange, encore la prison dehors. Nous étions à la merci du doigt trop petit.
        Le poids sur mon dos signifiait que le doigt ne renonçait pas. Le doigt furieux frappait et refrappait. J'avais contre mes parois une anguille affolée qui précipitait sa mort. Mes yeux entendaient, mes oreilles voyaient  : Isabelle m'inoculait sa brutalité. Que le doigt traverse la ville, que le doigt perfore les abattoirs. Je souffrais de la brûlure, je souffrais, plus encore, de nos limites. Mais le doigt obstiné réveilla la chair, mais les coups m'affinèrent. J'avais de la griserie en pleine pâte, j'avais un gazouillis d'épices, je m'élargissais jusqu'aux hanches. V-Leduc-Cavell.jpg
        - Le lit remue trop, dit Isabelle.
        La chair dilatée remercia, le plaisir sévère se propagea dans les pétales. Des gouttes de sueur tombèrent du front d'Isabelle sur mon dos.
         - Ne bouge pas. Que je demeure en toi, dit Isabelle.
         Nous hivernions. Je me contractai par préséance.
         - Oh oui ! dit Isabelle.
         Je l'aspirais, je le refoulais, je le changeais en sexe de chien, rouge, nu. Il montait jusqu'à l'oesophage. J'écoutais Isabelle qui se faisait légère, qui suivait la montée, qui profitait du reflet. Le doigt sortit d'un nuage, entra dans un autre. Mon ardeur gagna Isabelle, un soleil fou tournoya dans ma chair. Le corps d'Isabelle gravit seul un calvaire sur mon dos. Je fus tendue de gris. Mes jambes faiblirent dans leur paradis. Mes mollets désaltérés mûrissaient. J'étais amollie jusqu'à l'ineffable pourriture, je ne fiinissais plus de m'effondrer de félicité en félicité dans ma poussière. Le doigt d'Isabelle sortit avec méthode et laissa aux genoux des flaques de plaisir. "

le dernier dessin est de P. Cavell, un des maîtres du genre 


Par michel koppera - Publié dans : lectures x
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