Jeudi 9 février 2012
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L’extrait qui va suivre, tiré du « Livre des amours galantes » m’a été adressé par Bruno C. lecteur
fidèle et avisé de ce blog. Qu’il en soit ici remercié !
« Livre des amours galantes », Ed. Ph. Picquier 2000, poche 2004, avec copies d’estampes en noir et
blanc.
Auteur Ryutei Tanehiko (1783-1842)
Ecrivain victime de la censure.
Pour illustrer ce passage, j’ai choisi des estampes de Kitagawa Utamaro (1753-1806), grand peintre japonais
contemporain de Ryutei Tanehiko.
Pages 74-76
« A peine lui caressait-il la jambe, elle s'embrasait. Tout particulièrement aujourd'hui, le
spectacle qu'il lui avait été donné de voir dans la barque [ des amants, observés à la longue-vue] avait mis à fleur de peau sa sensibilité, et que Jihei la prît à ce moment lui causait
un bonheur encore plus intense. « Je viens, je viens, c'est bon ! » aurait-elle voulu crier, mais elle craignait de ne plus être aimée en montrant une aptitude trop grande à jouir.
Elle s'appliquait à ne pas s'oublier, tentait d'étouffer ses râles, résistait à l'envie de mordiller l'homme au visage et
se contentait de se laisser faire, les yeux clos, dans un abandon
total. Tout en contemplant cette beauté pleine de pudeur, Jihei la pénétra peu profondément d'abord, puis il finit par enfoncer sa lance. Elle jouissait avec
ferveur.
Comme elle avait plus de vingt ans, les poils de sa toison étaient drus, mais elle n'avait pas connu
beaucoup d'hommes et l'intérieur était aussi doux que le velours de l'écrin d'une jeune fille de seize ou dix-sept ans. Elle avait appris des servantes de la résidence la manière de combler
l'homme. Elle remuait les reins d'un air craintif, mais avec douceur, et plus que le plaisir que donne la femme rompue à la chose, qui sait onduler avec art et prendre des initiatives, c'est
l'inexpérience qui est délicieuse... La sève longtemps contenue avait commencé à couler dès le début. Une attention quelque peu éveillée permettait de prendre vite conscience que l'intérieur
était étroit et encore plus pulpeux que la langue. Les lèvres gonflées s'ouvraient en frémissant comme pour s'enrouler autour du membre qui s'enfonçait dans un va-et-vient continu. L'homme avait
l'impression d'être aspiré à l'intérieur du fourreau qui se resserrait autour de lui. Plus le moment approchait, plus le visage de la femme qui jusque-là était empreint de douceur devenait tendu.
A la fin, les paupières se fermèrent, la bouche s'arrondit, le corps entier se contracta. Les parties secrètes s'ouvrirent d'un coup, libérant la sève qui s'écoula longuement.
Le plaisir la faisait gémir doucement, elle connaissait l'extase. Jihei avait à cœur d'assouvir 0-Haru et il mit en oeuvre
une variété de ressources de lui seul connues, si bien qu'après avoir été travaillée pendant une demi-heure, son souffle d'abord discret était devenu sonore ; le visage défait, elle haletait.
Elle connut l'orgasme trois ou quatre fois. A présent, l'homme n'en pouvait plus. Mettant une main sur le dos de la femme, il la releva et lui-même assis, il fourra sa main libre dans la moniche
toute glissante, dans un va-et-vient incessant. Certain que la femme appelait la caresse de tout son être, il enfonça deux doigts au tréfonds de son intimité, à l'endroit le plus sensible. 0-Haru
était au paroxysme de la volupté :
« Mais, méchant ! Ça y est, je jouis ! Quel bonheur ! »
Sa voix ressemblait au premier chant du rossignol. Comme la glace fond dans la vallée, les cuisses de l'homme furent
inondées. Il eut pitié d'elle et, tirant à lui le jupon, il l'essuya lui-même.
« Quel délice que cette chair dont la liqueur d'amour a refroidi la brûlure ! Voilà bien une chose que l'argent ne peut
pas acheter ! Cette fois, l'envie me dévore, fais-moi jouir lentement ! » La bouche enduite de salive, elle avance une langue humide qu’elle lui donne à sucer. « Mais c'est que tu sais y faire
maintenant ! » Elle presse ses fesses sur l'homme. « Allons, plus fort, oui, comme ça ! Tu vois, quand je mets mes mains sous tes fesses, tu soulèves
tes hanches tout naturellement. Maintenant, il est temps que tu te serves toi-même de tes reins ! Je croyais que tu avais grossi, mais tu
es légère comme une plume. Comme tes cuisses sont blanches ! Il est vrai que nous faisons toujours l'amour dans le noir... C'est la première fois que je vois ta peau nue ! »
0-Haru reste silencieuse, qu'il la caresse ou la lutine. À nouveau, son visage
s'empourpre légèrement quand elle se pend au cou de l'homme et reste rivée à lui. Ses jambes entourent les reins masculins, et les mignons pouces blancs de ses pieds se contractent dans le
plaisir. En même temps, l'intérieur du manchon devient brûlant et le bien-être est indicible. Jihei lui dit :
« Cette fois, on va jouir tous les deux en même temps ! » Il se cambre sous elle et la pénètre avec force, elle caracole
impétueusement... Honteuse, elle gémit à n'en plus pouvoir. Ah ! Les deux élixirs charmants et tendres s'écoulent en même temps. Enfin, elle ouvrit les yeux mais garda le visage détourné. Au
moment où elle saisissait les mouchoirs de papier préparés pour le soir, la voix de 0-Kimi [la bonne] leur parvint de la pièce voisine : «Kinosuke-San vient d'arriver.»
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