"Les ardents de la Rue du Bois-Soleil" # 53
Et nous voilà, de bon matin, au bord d’une route abrupte et étroite. Il paraît que c’est une ascension décisive, une sorte de juge de paix, comme disent les journalistes sportifs. Il est dix heures du matin, il fait déjà une chaleur de plomb fondu. Pas un poil d’ombre, rien que le soleil. À perte de vue, le long de la route en lacets, des bagnoles garées à-la-va-comme-je-te-pousse, des camping-cars équipés comme des motels sur quatre roues avec parabole et tutti quanti, des crétins en bermuda qui ont badigeonné des crétineries sur le bitume surchauffé, d’autres crétins qui agitent des drapeaux… On patiente… De temps en temps passe en trombe une moto de presse ou une voiture officielle … Ça crée une émotion, une petite montée d’adrénaline. Fausse alerte ! Aurélie a mis un tee-shirt très moulant qui fait jaillir ses tétons pointus et une jupe trop courte pour son string. En face, de l’autre côté de la route, il y a un trio de jeunes Hollandais oxygénés qui lui reluquent le haut des cuisses et lui sourient avec parfois des mimiques obscènes. Elle fait semblant de ne pas les voir, mais continue discrètement de leur montrer son cul. Je sais bien que je ne devrais pas, mais ça m’excite de savoir qu’elle les allume…
Enfin, alors qu’on vient de sortir le thermos de café, voilà la caravane publicitaire qui s’annonce. On l’entend venir de loin, à grand renfort de musiques saturées, de klaxons, de sirènes et de mégaphones. C’est la foire à Neuneu, la quinzaine commerciale en goguette, le grand Guignol de la conso… Filles aguicheuses, voitures bariolées et déguisées comme pour la grande parade de Disneyland, échantillons jetés par poignées à la foule, promotions en direct… Ça dure une bonne demi-heure. Il y en a qui s’entretueraient pour une casquette ou un sachet de café soluble lancés par une de ces créatures blondes à forte poitrine pas plus humaines que des photos de magazines… À ce petit jeu, tante Mireille collectionne les trophées : un paquet de chewing-gums fraîcheur polaire, un bracelet multicolore en tissu éponge, un porte-clefs, une mini-bombe de crème à raser parfumée à la menthe, un sachet de chips à l’ancienne, un autocollant pour une compagnie d’assurances, une peluche bancaire… Rien que du bonheur ! Aurélie est aux anges. L’oncle Jean écoute la radio pour savoir où en sont les coureurs… Il paraît qu’il y a des échappés. En attendant, on a largement le temps de reprendre un café et même de boire une bière avant de les voir arriver !
Assise sur une chaise pliante de toile bleue – vous savez, le style plage au ras du sol qui vous met les genoux à hauteur des épaules – Aurélie, les jambes ouvertes, une boîte de Heineken dans une main, une Dunhill dans l’autre, montre ostensiblement son ventre aux jeunes Hollandais qui n’en perdent pas un poil. Je bande ferme.
Finalement, voici les coureurs. Une armada de motos, de voitures avec gyrophares les précède. J’ai la vision fugace de deux types à vélo qui passent en trombe malgré la pente. Ce qui me reste, c’est malgré les clameurs le bruit sensuel de leurs chaînes bien huilées et la forte odeur d’embrocation de leurs jambes dorées… Puis, deux minutes et cinquante-sept secondes plus tard, le groupe maillot jaune. La foule est en délire : les jeunes Hollandais en oublient Aurélie, agitent leurs drapeaux, poussent des cris bataves, et il y en a même un qui se met à courir à côté du peloton en hurlant… Tout va trop vite. Après, passent d’autres concurrents, les attardés, en groupe ou solitaires, parfois à l’agonie. On les encourage, sans réelle conviction, par devoir. Beaucoup plus tard, c’est la voiture balai. C’est terminé. Je n’ai reconnu personne, aucune star… Décidément, je ne comprendrai jamais rien au cyclisme ! Heureusement qu’Aurélie a fait des photos !
Il nous faut au bas mot deux heures pour nous extraire des embouteillages et rejoindre la vallée. À l’avant, l’oncle Jean et sa femme parlent de tout et de rien, sur la banquette arrière, Aurélie a la main dans mon bermuda et me caresse comme par distraction. J’ai les doigts dans sa chatte et je lui baratte le désir. Finalement, j’éjacule dans mon boxer tout neuf.
à suivre...
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