"Crissie et Monsieur K.", chapitre 33 b
Je me déshabille lentement, avec un peu de timidité. L'homme qui nous a accueillis est impressionnant par sa stature et son regard. L'atelier est un véritable capharnaüm : on se croirait presque dans l'atelier de Francis Bacon. Hormis les toiles, qui remplissent la pièce, posés en paquets contre les murs ou qui jonchent le sol, toutes sortes d'objets hétéroclites et incongrus font des tas ici ou là : bidons vides et pinceaux desséchés, mais aussi chaussures dépareillées, livres en lambeaux, panneaux routiers, parapluies écorchés. Seul l'endroit où l'homme me fait signe d'avancer est dégagé et propre. Il y a une sorte de chaise en paille à accoudoirs où on me demande de m'asseoir, et un chevalet sur lequel repose une toile vierge.
Je m'assois, raide comme un piquet. L'homme s'approche et me place. Il me tourne légèrement vers la gauche, soulève ma jambe avec délicatesse et la pose sur l'accoudoir. Mes jambes sont écartées. Je rougis violemment. L'homme feint de ne pas s'en apercevoir. Il va chercher un carnet à croquis dans un tiroir encombré et vient se placer près de moi. Il me tourne autour. Il s'assoit à même le sol, en contrebas, comme s'il voulait avoir mon visage dans la perspective de mes jambes. Il dit : "Je vais faire différents croquis ... essayez de ne pas bouger avant que je vous le demande". Je ne bouge pas, figée dans une posture inconvenante. Les minutes passent. J'ai des fourmis dans les jambes. Il me libère enfin de ma position inconfortable, pour m'en faire prendre une autre qui le devient tout autant.
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