Jeudi 8 août 2013
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Voilà, c'est la fin
En mars, l’annonce
de l’arrestation et de la garde à vue du Président Alexandre Delorme fit grand bruit. Dans les médias, on parla d’abord de corruption, de trafic d’influence, puis de proxénétisme. Matin et soir,
devant les grilles de l’école, les rumeurs et les commentaires allaient bon train. Odile faisait semblant de partager la consternation générale, mais au fond d’elle-même elle était morte
d’angoisse et savait que l’étau de la justice n’allait pas tarder à refermer sur elle ses mâchoires… À l’issue des deux jours réglementaires de garde à vue, le Président fut mis en examen et
placé en détention préventive.
Comme elle l’avait pressenti, Odile ne tarda pas à être convoquée pour être auditionnée, officiellement en qualité de trésorière
de l’Association de parents d’élèves. En réalité, dès le début de l’interrogatoire, elle comprit que l’inspecteur qu’elle avait en face d’elle n’ignorait rien de ses activités clandestines et du
contrat qui la liait au Président.
Alors Odile joua le grand numéro de la femme honnête piégée à la suite d’une banale erreur de comptabilité. Elle lui raconta par
le détail le chantage à sa réputation, les menaces de scandale… puis comment le Président l’avait amenée à l’idée de se prostituer, en échange de quoi il lui avait promis de garder le silence sur
son erreur comptable… Elle pouvait lui fournir les relevés de compte en question, préciser les lieux et les dates. Elle n’avait rien à cacher… Elle pleura beaucoup, parla de ses enfants qu’elle
voulait protéger, de son mari qui n’était au courant de rien, de sa honte, de la crainte que lui inspirait le Président…
Au fil de l’interrogatoire, elle apprit qu’elle n’était pas la seule proie à être tombée entre les griffes du Président et à
travailler pour lui. Il y avait trois autres femmes : une Roumaine de 19 ans, sans papiers et menacée d’expulsion ; une jeune femme de 25 ans qu’il avait réussi à faire embaucher
comme femme de service à la cantine de l’école ; une Somalienne, d’âge indéterminé, demandeuse d’asile… Avec chacune d’elles il avait usé des mêmes méthodes : chantage et promesses.
Chantage à l’expulsion, au licenciement, à la séparation, au scandale… Promesses de protection, de coups de pouce administratifs… Après trois heures d’audition, Odile Varney signa le
procès-verbal et quitta le commissariat libre et lavée de tout soupçon de complicité dans cette affaire.
En une après-midi, toute son admiration, toute sa dévotion pour le Président, toute sa soumission à ses volontés s’étaient
évaporées. Comment avait-elle pu le croire et lui faire aveuglément confiance ? Le coup de poignard le plus cruel avait été d’apprendre que c’était le Président en personne qui avait élaboré
avec des truands complices le traquenard du terrible après-midi avec les menottes et le chien renifleur. Toute cette mise en scène sordide pour mieux la contrôler, en faire une femme
définitivement docile et disponible à tous ses caprices.
Son mari ne sut jamais rien de tout ça, tout du moins n’en laissa rien paraître. Odile abandonna ses activités de putain à temps
partiel et retourna sagement à la routine de sa vie d’avant. Elle laissa repousser librement sa toison pubienne, dormir les dentelles frivoles dans les tiroirs de sa commode et s’apaiser ses
besoins d’amour.
Cependant, Alexandre Delorme ayant de fait renoncé à ses fonctions de Président de l’Association de Parents d’Elèves, il fallut
procéder à une nouvelle élection ? Odile en profita pour annoncer qu’elle abandonnait ses activités de trésorière. À sa grande surprise, Odile fut à une large majorité élue Présidente, sans
même avoir présenté sa candidature. Elle ressentit cette élection plus comme une manifestation de pitié qu’une réelle reconnaissance de ses compétences. Néanmoins, Odile accepta de prendre la
relève du Président et de consacrer une soirée hebdomadaire à ses nouvelles fonctions. Ce même jour, il avait été procédé à l’élection d’un nouveau trésorier. L’heureux élu était un jeune papa de
28 ans, ingénieur en informatique et gardien de buts titulaire dans l’équipe de foot du quartier. L’homme était plutôt bien fait de sa personne, un peu timide, mais avec de beaux yeux verts. Au
fil des semaines, Odile se prit d’intérêt pour le ballon rond, accompagnant parfois mari et enfants au stade pour les matches du dimanche après-midi. Sous la douche, il lui arrivait souvent de se
branler en évoquant les cuisses musculeuses du trésorier-gardien de buts. Il se prénommait Antoine, comme l’adolescent qu’elle avait déniaisé naguère, et cette homonymie était loin de lui
déplaire, tant elle lui rappelait de bons souvenirs.
L’occasion de passer à
l’offensive se présenta lorsque, à la mi-juin, fut évoqué en réunion du bureau de l’association, le départ en retraite de la directrice de l’école. Il faudrait prévoir un cadeau et créer une
ligne budgétaire pour son achat. Il fut donc décidé qu’Odile serait chargée du choix du cadeau – on lui laissait carte blanche - et que le Trésorier l’accompagnerait pour son règlement.
Ainsi, par un samedi après-midi pluvieux de juin, Odile endossa de nouveau sa tenue de putain bourgeoise : bottines de cuir
noir, jupe de cuir ultra courte, caraco moulant, bas noirs, porte-jarretelles, culotte et soutien-gorge de dentelle blanche, le tout dissimulé sous un austère imperméable.
Antoine fut ponctuel. Il était exactement quinze heures et dix minutes quand Odile prit place sur le siège passager de l’Audi A4
du trésorier. Elle déboutonna son imperméable qu’elle ouvrit en grand, dévoilant généreusement ses cuisses habillées de nylon noir et un peu écartées…
- On y va ? Moi, je suis prête !
FIN
© Michel Koppera, juillet 2013
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