Jeudi 7 juin 2012
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Une Liaison par Chitra Banerjee DIVAKARUNI, in Balades indiennes, Editions France Loisirs, 2004
« Le couple en ce moment sur l’écran ne portait pas de vêtements de couturier. En fait, ils ne portaient pas de vêtements
du tout, et quand le choc de la surprise fut passé, je me rendis compte que j’avais allumé la chaîne à laquelle Ashok (son mari) s’était abonné le mois dernier et qu’il regardait, en
dépit du fait que je quittais ostensiblement la pièce chaque fois qu’il la mettait (ou peut-être parce qu’il la mettait), presque tous les soirs.
Le visage en feu, j’éteignis la télé ( …) À mi-chemin sur l’escalier, je m’arrêtai. Je restai là un instant à écouter la pendule
sur le mur puis redescendis, et le cœur battant, allumai de nouveau la télévision. Je ne savais pas clairement pourquoi je faisais cela. Peut-être voulais-je seulement essayer de comprendre, sans
être inhibée par sa présence, ce qu’Ashok aimait dans ces spectacles. Ou peut-être était-ce autre chose.
Le couple marchait sur le bord d’une piscine maintenait, le corps droit, dégagé, la lumière de l’eau miroitant sur leur peau
nue. La femme plongea et l’homme la suivit (…) Leurs bouches et leurs mains explorèrent les courbes et les creux du corps de l’autre avec un plaisir franc qui était très différent des mouvements
maladroits et furtifs dans l’obscurité de notre chambre à coucher. Quand les lèvres de l’homme se refermèrent autour du rose soutenu du mamelon de la femme, j’observai avec attention. Une part de
moi était surprise de ne sentir aucune honte m’envahir comme c’était habituellement le cas. Peut-être que le tourbillon flou et bleu de l’eau dans laquelle ils se balançaient, suspendus, donnait
à l’acte une douceur, un sentiment d’irréalité. Ou que la honte est quelque chose que l’on ressent seulement quand quelqu’un d’autre vous regarde regarder. Quand la tête de l’homme s’abaissa
jusqu’à la demi-lune du nombril de la femme, et plus bas encore, je serrai les poings et me penchai en avant. Mes ongles s’enfoncèrent dans mes paumes, avec force, comme ceux que la femme
enfonçait dans les épaules de l’homme. Et quand son corps, secoué de frissons, se cabra, mon corps lui aussi frissonna à l’unisson (…)
Cette nuit-là, je rêvai d’un homme et d’une femme sous l’eau. Je compris immédiatement que ce n’était pas le couple du film. Ils
passaient leurs mains le long du corps l’un de l’autre avec une hâte fiévreuse, leurs muscles tendus comme si c’était la première fois qu’il se trouvaient ensemble. Quand le bleu tourbillonnant
s’éclaircit et que l’homme finit par lever sa bouche du sombre carré de poils féminins fins et ondulants comme des algues, je reconnus Ashok.
Je le tirai vers le haut, le tirai puis le pressai contre mes hanches. Nous jouîmes ensemble, mes jambes enroulées autour de
lui, l’enserrant, des bulles éclatant en fragments de cristal autour de nous. Puis mon propre visage, comme cela arrive dans les rêves, m’apparut. Il était renversé d’extase, la bouche ouverte en
un cri triomphant et silencieux, les cheveux déployés autour de la tête, noirs et emmêlés tels ceux d’une ménade… Mais ce n’était pas mon visage. C’était celui de Mina ( sa meilleure amie
qu’elle soupçonne d’être la maîtresse de son mari)
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