michel-koppera

"Crissie et Monsieur K.", chapitre 10 a

Je te regarde, je te contemple, je te tourne autour comme autour d'une oeuvre d'art. Je rectifie un pli, ajuste une bretelle ; tu ajoutes une touche de gloss sur tes lèvres pourpres... Je me recule pour mieux te voir.  Pas mal du tout, en putain intégrale des pieds à la tête : les escarpins noirs vernis, les bas noirs eux aussi avec une jarretière rouge autour de ta cuisse gauche, un string tendu à l'extrême qui te cisaille la chatte et fait ressortir les deux bourrelets de ta vulve nubile et laisse à nu tes fesses innocentes, un bustier qui rehausse tes seins menus dont les mamelons pointent le bout du téton, la fragilité de l'arrondi de tes épaules, ton cou gracile cerclé d'or, tes yeux soulignés de khôl... Je t'aide à enfiler une sorte de blouse de soie couleur d'incendie et t'installe au salon, dans le grand fauteuil de cuir noir.

- Maintenant, écoute-moi bien Crissie. Ce soir, nous attendons quelques invités de marque. Il y aura d'abord Mathias ; il est chef de cabinet dans une sous-préfecture, il a 52 ans, c'est ce que les femmes appellent un bel homme, mais plutôt dans le genre pas commode. Comme je te l'ai dit hier, Bertrand viendra avec Géraldine. Pendant des années, elle a pratiqué le culturisme à un haut niveau ; à 43 ans, elle en a gardé une voix grave et surtout un clitoris hypertrophié. Méfie-toi d'elle ! Avant de vivre avec Bertrand, qui est photographe de pub, elle partageait la vie de Daniel qui est un adepte du body-building. Et je peux t'affirmer qu'il n'y a pas que ses pectoraux et ses biceps qui sont costauds. Il a une bite énorme, d'ailleurs, le sucer c'est déjà une performance, c'est te dire ! Il y aura aussi Nicolas qui est un ami d'enfance. Il est agent immobilier et il aime le cul des femmes si tu vois ce que je veux dire. Enfin, il y aura Stéphane, c'est un grand timide : les femmes lui font un peu peur, et pourtant il ne pense qu'à ça ! Dès que l'un d'entre nous fait une rencontre intéressante, il doit la partager avec les autres, c'est notre règle commune. Alors, aujourd'hui, j'applique la règle. Mais tu verras, ce sont des gens très bien élevés, de bonne compagnie et qui savent se conduire en société... Ah, je crois qu'ils arrivent...

Pierre Louÿs, "Pybrac" : quatrains 73 à 76

Je n'aime pas à voir la douce concubine

Qu'on encule toujours et qui d'un doigt lascif

Se branle le bouton, se tire la babine

Pour soulager son cul douloureux et passif.

Je n'aime pas à voir, leste comme une mouche,

Le petit corps penché d'une arpète aux yeux noirs

Qui travaille bien moins des mains que de la bouche

Et moins à l'atelier que dans les urinoirs.

Je n'aime pas à voir la gosse mal foutue

Qui me tire la manche en disant :" M'sieu ! Eh ! M'sieu.

Venez donc rigoler, maman me prostitue

Vous m'enfilerez bien sur elle dans le pieu."

Je n'aime pas qu'au Bois, une vierge insinue

En caressant les poils de son nouveau manchon :

"J'en montre encor bien plus quand je suis toute nue

Mais vous ne verrez pas ceux-là, petit cochon."

La canicule est un temps béni pour les voyeurs et les exhibitionnistes. La grande chaleur est un bon prétexte pour dévoiler son intimité...

"Crissie et Monsieur K." chapitre 9 a

- On arrête tout ce cirque ! dis-je en appuyant sur l'interrupteur qui plonge ta scène dans le noir.

J'ouvre la porte. Dans l'obscurité, je devine la silhouette pâle de ton corps nu.

- Rhabille-toi, on s'en va !

Pendant que je t'attends, le patron du sex-shop se montre plus que curieux.

- Pourquoi vous avez fait ça ? C'était pas mal du tout ! Elle est à vous cette fille ?

- Elle n'appartient à personne.

- Alors, qu'est-ce que ça peut vous faire ?

- Rien...ça ne  me fait ni chaud ni froid. Si elle vous intéresse, parlez-lui, je vous souhaite bonne chance !

Quand tu ressors de la cabine, je sais que tu es redevenue la Crissie d'avant, celle que je connais. Le patron te retient par le bras.

- Mademoiselle, c'était très bien, très... comment dire...suggestif. On pourrait peut-être s'entendre. Et si je vous signais un contrat, disons deux shows par jour, en exclusivité... 30 minutes de votre temps, pas plus...

Tu t'écartes, tu ne daignes même pas lui répondre. Le patron m'interroge du regard.
- Qu'est-ce que je vous avais dit !

Le retour à l'appartement est plutôt morose. On ne se dit rien. La nuit tombe. Dans le salon, tu as déballé tes emplettes de lingerie.

- Crissie, nos invités ne vont pas tarder. Il est grand temps de te préparer pour la soirée... 

Aujourd'hui, mardi 30 juin, premier d'une canicule annoncée... Qui dit chaleur excessive, dit recherche d'air frais !