Louis Ferdinand CELINE
Voyage au bout de la nuit, 1932
630 pages
C'était la troisième fois que je lisais "Voyage au bout de la nuit", et il m'aura fallu plus de quarante ans pour vraiment comprendre le message de ce roman et réaliser combien il était unique et incontournable. Un monument de littérature et d'humanité aussi essentiel que "Ulysse" de J.Joyce ou "100 ans de solitude" de G.G. Marquez
Page 73. 1915 : Le narrateur, Ferdinand Bardamu, soldat en convalescence à Paris, a une liaison avec Lola, une infirmière américaine.
« Son corps était pour moi une joie qui n’en finissait pas. Je n’en avais jamais assez de le parcourir ce corps américain. J’étais à vrai dire un sacré cochon. Je le demeurai.
Je me formai même à cette conviction bien agréable et renforçatrice qu’un pays apte à produire des corps aussi audacieux dans leur grâce et d’une envolée spirituelle aussi tentante devait offrir bien d’autres révélations capitales au sens biologique il s’entend. .
Je décidai, à force de peloter Lola, d’entreprendre tôt ou tard le voyage aux Etats-Unis, comme un véritable pèlerinage et cela dès que possible (…) Je reçus ainsi tout près du derrière de Lola le message d’un nouveau monde. »
Page 84. À l’hôpital militaire, la concierge s’envoie en l’air avec les malades et les médecins.
« En somme, c’était une vicieuse. Au lit par exemple, c’était une superbe affaire et on y revenait et elle nous donnait bien de la joie. Pour une garce c’en était une vraie. Faut ça d’ailleurs pour faire bien jouir. Dans cette cuisine-là, celle du derrière, la coquinerie, après tout, c’est comme le poivre dans une bonne sauce, c’est indispensable et ça lie. »
Page329. Devenu médecin après la guerre, le narrateur s’est installé à la Garenne-Rancy, en banlieue parisienne. Il est appelé au chevet d’une jeune femme de 25 ans qui vient de se faire avorter pour la troisième fois.
« Fallait voir comme elle était solide et bâtie, avec du goût pour les coïts comme peu de femelles en ont. Discrète dans la vie, raisonnable d’allure et d’expression. Rien d’hystérique. Mais bien douée, bien nourrie, bien équilibrée, une vraie championne dans son genre, voilà tout. Une belle athlète pour le plaisir. Pas de mal à ça. Rien que des hommes mariés elle fréquentait. Et seulement des connaisseurs qui savent reconnaître et apprécier les belles réussites naturelles et qui ne prennent pas une petite vicieuse quelconque pour une bonne affaire. Non, sa peau mate, son sourire, sa démarche et l’ampleur noblement mobile de ses hanches lui valaient des enthousiasmes profonds, mérités, de la part de certains chefs de bureau qui connaissaient leur sujet.
Seulement, bien sûr, ils ne pouvaient tout de même pas divorcer pour ça, les chefs de bureau. Au contraire, c’était une raison pour demeurer heureux en ménage…. »
Page 454. Bardamu partage maintenant une chambre d’hôtel à Paris avec un certain Pomone…
« Comme nous lisions nombre de journaux cochons à notre hôtel, on en connaissait des trucs et des adresses pour baiser dans Paris ! Faut bien avouer que c’est amusant les adresses. On se laisse entraîner, même moi qui avais fait le passage des Bérésinas et des voyages et connu bien des complications dans le genre cochon, la partie des confidences me semblait tout à fait épuisée. Il subsiste en vous toujours un peu de curiosité pour le côté du derrière. On se dit qu’il ne vous apprendra plus rien le derrière, qu’on n’a plus une minute à perdre à son sujet, et puis on recommence encore une fois cependant rien que pour en avoir le cœur net qu’il est bien vide et on apprend tout de même quelque chose de neuf à son égard et ça suffit pour vous remettre en train d’optimisme.
On se reprend, on pense plus clairement qu’avant, on se remet à espérer alors qu’on espérait plus du tout et fatalement on y retourne au derrière pour le même prix. En somme, toujours des découvertes dans un vagin pour tous les âges. »
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