Philippe # 9
- Aluromancie,
cela te dit quelque chose ?
Les mains pleines de mousse, Halima me regarde de ses grands yeux noirs interrogateurs.
- Non pourquoi ? Tu écris ça comment ?
- Je ne sais pas, d'ailleurs je ne sais pas grand-chose en ce moment.
- Nous voilà bien partis tous les deux, peut-être un rapport avec l'étude des rêves ou des hallucinations, demande à Mister
Google le temps que je finisse la vaisselle et après on commandera une pizza, ça fait plaisir de te revoir, depuis le temps que je te réclame. Il faudrait que Monika rénove plus souvent la
maison. S'essuyant les mains elle me demande :
- Alors j'avais bon ?
- Désolé, c'est en rapport avec les chats et les pouvoirs de divination qu'on leur prête.
- Pourquoi cette question au juste ?
- Je t'expliquerai plus tard.
- Passe la commande et prépare-nous un cocktail le temps que je prenne une douche.
Cela faisait longtemps que j'avais promis à Halima de lui rendre visite, nous nous étions rencontrés lors d'une formation et
avions très vite sympathisé. Ceux qui nous croisaient pour la première fois étaient persuadés que nous formions un couple, nos proches pensaient que nous avions certainement couché ensemble au
moins une fois, quelques autres plus rares, dont Monika, comprenaient la nature de notre relation.
À plusieurs reprises nous avions partagé le même lit, mais jamais il n'avait été question d'aller au-delà que l'amitié qui
nous liait.
Elle était loin d'être repoussante : une allure sportive, des formes généreuses, une cambrure parfaite, de longs cheveux
noirs, tous les charmes de l'orient, En ce moment elle aussi traversait une période de doutes après sa rupture. En apparence triomphante, sa vie sentimentale était devenue un désert, de plus en
plus inquiétant à ses yeux, Les prétendants étaient nombreux certes mais aucun ne trouvait grâce à ses yeux.
- Il n'est pas un peu étroit ?
- Quoi ?
- Le débardeur, fis-je avec un sourire en lui tendant son verre.
- On est entre nous alors pas de chichis !
Le livreur de pizza eut toutes les peines du monde à la regarder dans les yeux.
À la fin du repas, elle décida qu'il était temps que nous passions au champagne et me demanda d'aller chercher la bouteille
que j'avais apportée.
Lorsque je revins au salon la lumière était tamisée, des bougies allumées et les premières notes de Middle de Pink
Floyd me parvenaient.
- Alors parle-de moi de tes malheurs, ça me fera oublier les miens.
Pour une fois, j'avais un peu de mal à rentrer dans le vif du sujet, à savoir mon couple et le chemin inquiétant qu'il
semblait prendre. L'usure, l'habitude, la passion qui s'estompait, cette douce folie qui n'était plus au rendez-vous.
Ces derniers temps il m'était arrivé d'avoir des pannes et désormais j'avais peur que cela ne se reproduise. Monika ne
semblait plus intéressée par les choses du sexe, la monotonie nous gagnait doucement comme un poison.
- Elle à un amant ?
Non pas d’amant en vue, sa vie était trop bien réglée, une véritable horloge, tout est prévu, organisé, la fantaisie n'a plus
voix au chapitre. Parfois j'en suis à lui souhaiter une liaison, cela aurait peut-être redonné un élan à notre couple.
J'en vins à lui avouer mon projet de livre à caractère érotique afin de produire une onde de choc et que cette perspective
semblait porter ses fruits.
- Wouah, comme j'aimerais que l'on m'écrive un livre érotique. Elle en a de la chance d'être aimée comme cela, je vais finir
par être jalouse, dit-elle en me prenant la main. Quel rapport avec les chats ?
Libre de parole, je lui confie que mon livre serait illustré de photos et de peintures.
- Tu as recontacté le photographe qui l'avait faite poser ?
- Non, pas lui, je t'en reparlerai plus tard d'ailleurs.
Je lui avoue cette
étrange rencontre, de la chambre obscure et du pouvoir que je prête aux photos que développe Valentin.
Dans ma sacoche, qui ne me quitte plus, il y a la dernière série en date.
- Je peux les voir ?
Elle semble déçue par mon refus mais l'accepte sans insister.
Je poursuis mes confidences alors que sa langue étale la salive sur la gomme du papier.
- Tiens, cela nous rappellera des souvenirs, fait-elle en me tendant le joint à allumer.
Une quinte de toux accueille la première bouffée mais très vite je m'envole.
- Tu permets que je me mette à l'aise ?
Sans attendre ma réponse, à travers le tissu, elle dégrafe son soutien-gorge libérant sa ferme poitrine.
En se penchant pour ramasser un peu de cendres tombées sur le parquet, elle m'offre le paysage de ses seins sans
entraves.
Cette vision me renvoie au souvenir de cette soirée au cours de laquelle Monika m'avait convié avec des amis
français..
Dans ce café, son quartier général où elle était serveuse, un tournoi de billard était organisé, elle pratiquait ce sport
avec passion et talent, Je lui avais d'ailleurs acheté une belle queue dont elle se servait avec dextérité. Avec Véro une française rencontrée en Allemagne et un couple d'amis nous nous sommes
installés au plus prés de la table afin de ne rien manquer des parties qui allaient s'enchaîner.
Monika était déjà présente à converser avec des amis, nous étions ensemble depuis quelques mois mais n'habitions pas sous le
même toit.
Le tournoi débuta, Monika entra en scène, elle était vêtue sobrement, jean et sweat shirt anthracite, ses longs cheveux
lâchés.
Sa petite taille l'obligeait à se mettre sur la pointe des pieds afin d'ajuster au mieux ses coups.
Son habilité était indéniable, sa concentration extrême mais sa longue chevelure ne cessait d'aller et venir masquant son
regard. Elle se saisit alors d'un crayon pour les maintenir en chignon, à cet instant l'enjeu du tournoi prit un autre sens pour moi et sans doute pour une grande partie de la vingtaine de
personnes attroupée autour de la table, Je faillis la prévenir mais je me suis vite ravisé trop heureux de la voir ainsi sans le savoir exposer au regard du public le spectacle de ses seins
offerts dans l'échancrure de son sweat.
Il fallait les voir, parfois le droit, le gauche, souvent les deux, si fermes qu'ils bougeaient à peine.
Impossible pour qui assistait à la partie de les ignorer tant elle les avait mis en devanture.
Véro elle-même me fit la réflexion, « ils donnent envie ». Elle m'avait avoué quelques temps auparavant son amour
exclusif pour le sexe féminin, sa remarque me troubla plus encore.
Qu'elle était belle et désirable sa juvénile poitrine aux tétons tentateurs.
Époque bénie où elle laissait ses seins libres de mouvement.
- Tu rêves ?
- Pardon excuse- moi j'étais dans mes pensées, fis je à Halima.
Elle posa sa main sur le haut de ma cuisse.
- Tu dors avec moi ?, j'ai envie qu'on me touche.
- Non Halima,, déplaçant sa main pour la poser sur ma sacoche toute proche, ce serait bête parce nous avons bu et fumé de
tout gâcher entre nous.
- Tu as raison, alors je vais me coucher, on s'embrasse quand même ?
Pour réponse je posai mes lèvres à la surface des siennes en un fraternel baiser.
- Tu me donneras l'adresse ?
- De qui ?
- Ton photographe, répondit elle en se dirigeant vers sa chambre à quelques mètres de là.
- Bonne nuit Halima.
L'alcool, la fatigue et le reste eurent raison de moi et sans m'en rendre compte....
...Monika est agenouillée, les paumes tournées vers le plafond, indolente et inerte, regard fermé.
Dans une robe à la blancheur virginale, elle attend, à peine si elle respire.
Devant elle, ma sacoche ouverte, la pochette de Valentin aussi.
Dans l'ombre, derrière elle, Halima, son doigt en travers de la bouche m'indique de ne pas révéler sa présence. Son
regard est injecté de sang, de sa bouche carnassière un mince filet de bave s'écoule , elle ondule vers sa proie, elle a faim. Le regard de Monika s'éveille alors, elle a senti le danger tout
proche.
Mais déjà il est
trop tard, la main gauche toute vernie de noir d'Halima plonge sans crier gare dans l'échancrure de l'étoffe et empoigne fermement l'un de ses seins. Elle se cabre aussitôt tendant son buste en
avant, tressaille quand la prédatrice plante ses crocs dans son échine, tête basculant en arrière se soumettant aux lois de la nature.
Tandis que d'une main elle met le sein de Monika à la torture, l'autre à en croire ses gémissements s'affaire au bas de
son ventre caché par le corps de sa proie.
Elle jouit dans un orgasme violent et sonore....,
...En sursaut je me réveille, le sexe dur comme jamais, le rêve fut si réaliste qu'il me semble encore percevoir le souffle
haletant d'Halima.
Ma sacoche a disparu, nous avons trop abusé hier soir,,,, Comme un train dans la nuit venant de nul part, le sommeil me happe
de nouveau.
Le lendemain, je constate que ma sacoche est bien là, tout est en ordre sauf ma tête qui réclame douche et cachet.
- Tu as bien dormi ? Pardonne-moi pour hier soir, je ne sais pas ce qui m'a pris.
- N'y pensons plus.
La journée se déroula sans qu'aucun de nous n'évoque nos propos de la veille, un vide-grenier, une promenade en forêt, des
silences plus que des mots.
Au soir j'ai repris le chemin de la maison, impatient de découvrir la transformation de notre chambre à coucher.
Vêtue d'une salopette, un foulard autour du cou, les bras nus portant encore des traces de peinture blanche, Monika
m'accueille, heureuse de me montrer le fruit de son labeur.
Me tenant par la main elle me demande de fermer les yeux tout en me conduisant.
La chambre est blanche, les murs nus, un nouveau lit, plus large en occupe le centre.
Comme j'aimerais l'y étreindre, là, maintenant, tout de suite.
Son regard pétille, comme il me plaît de le retrouver ainsi plein de vie et de malice.
- Tu aimes ? bien-sûr il faut encore habiller les murs, décorer mais je n'ai pas encore eu le temps d'y songer.
Elle parle, parle, ne cesse de parler, volubile, je me moque du flacon je recherche l'ivresse.
Son sens de la décoration n'a jamais fait défaut, une fois de plus il me faut l'admettre.
Je repense à cette nuit, fier de ne pas avoir cédé aux appels d'Halima,
Tandis que Monika est sous la douche, je sors de ma sacoche mon précieux contenu pour le mettre à l'abri, je m'aperçois à
temps que Valentin a mal collé son étiquette avec l'adresse de sa boutique, qui sert de scellés à ses pochettes, une erreur d'attention et Monika tombait dessus.
A mon tour je file sous la douche pour en ressortir ravi. Demain je file chez Valentin, j'ai envie de franchir une nouvelle
étape.
La nature semble renaître, je me sens bien même si je ne comprends pas tout ce qui se passe, je me sens bien est l'essentiel
est là.
Valentin usez encore de vos sortilèges, je n'en tarirai pas la source qui les alimente.
Cette soirée passée avec elle fut d'une immense tendresse, après lui avoir massé le dos, à sa plus grande joie je lui ai
caressé les pieds durant plus d'une heure,
Avions-nous eu envie l'un de l'autre à cet instant ? Oui pour ma part.
Je crois la connaître, il me semble tout ignorer d'elle.
Je ne cesse de te découvrir, femme mosaïque.
Pas de sexe dans ce nouveau lit, pas encore....
... La pièce est blanche, jusqu'à l'infini.
Elle est là, debout à quelques mètres à peine, je pourrais presque la toucher, elle me regarde presque plaintive, ses
mains tenant les pans de son chemisier.
- Je peux ?
- Bien-sûr Monika, tu le peux, puisque c'est un rêve,
Soulagée par ma réponse elle l'arrache pour libérer ses seins congestionnés...
Je me réveille troublé, jamais encore elle ne m'avait parlé.
Le lendemain soir, le courage me manque face à Valentin, je lui tends bien-sûr une enveloppe avec de nouveaux négatifs mais
pas celle contenant LA photo que je m'étais promis de confier à ses soins.
Manque de courage,
Je ressors de sa boutique déçu par ma faiblesse.
L'absence de Tabou, ma fatigue, je ne sais pourquoi, mes pieds ont plus de mal à me porter le long de la ruelle...
Valentin # 9
Voilà déjà plusieurs jours que Tabou est en vadrouille dans le quartier et qu'il m'a abandonné à ma solitude, et ce n'est pas
la visite maintenant habituelle de Philippe qui va me remonter le moral. Il m'a paru si triste, si fatigué, que je n'ai pas voulu l'inquiéter davantage en l'entretenant de la fugue de
Tabou.
Cette fois,
Philippe est arrivé avec une série de négatifs, couleur ou noir et blanc, dont au premier abord je n'ai pas saisi la cohérence, sinon l'omniprésence de Monika. Bien-sûr, il y avait la découverte
de ses seins, même si les mamelons et les aréoles en étaient encore cachés, comme sur toutes ses photos de nu d'une grande pudeur... Bien-sûr, il y avait sur deux photos la présence de Philippe,
encore jeune, nu lui aussi à ses côtés. Photos très posées, presque trop bien construites. On sentait chez le photographe la volonté de faire du « nu artistique », de surjouer avec les
ombres, les aplats de lumière, de rechercher la beauté jusqu'à en oublier l'âme de ses modèles... De longues heures dans l'antichambre des secrets ne me permirent pas de percer le
mystère de cette livraison d'images, d'autant plus qu'en l'absence de Tabou, Monika demeurait désespérément muette.
Finalement, c'est en comparant ces clichés avec les premières photos que m'avait confiées Philippe que j'ai trouvé la réponse
: au fur et à mesure que Monika se déshabillait, qu'elle livrait aux regards les secrets de sa peau nue, elle perdait de son insouciance, de sa frivolité. Son visage prenait des airs plus graves,
comme si pour elle, et sans doute aussi pour Philippe, le sexe était une chose sérieuse avec laquelle il ne fallait pas plaisanter.
Sur deux photos en noir et blanc, Monika portait la panoplie complète du porno-chic : soutien-gorge et petite culotte tanga
noire, bas noirs et porte-jarretelles, escarpins à talons hauts. Dans mes archives, j'ai retrouvé des photos que réalisait autrefois mon oncle Théodore lorsque, avant-guerre, il était photographe
officiel dans des bordels de province. C'était lui qui était chargé de composer le « catalogue » de la maison que les clients pouvaient feuilleter afin de faire leur choix. Les
« pensionnaires » posaient souvent avec le même attirail érotique que celui de Monika, mais il y avait dans leurs postures alanguies, dans leur façon d'écarter les cuisses, de lever un
bras pour découvrir une aisselle, de s'abandonner aux profondeurs d'un sofa, une telle sensualité animale que, bien que ne montrant ni leurs seins, ni leur sexe, elles n'en étaient pas moins
totalement obscènes. À l'inverse, il y avait dans les poses de Monika beaucoup de self-control ; la situation ne devait pas lui échapper, elle restait maîtresse du jeu. De toute évidence, même si
elle en avait revêtu le costume, Monika n'était pas une putain ! Pourtant, quelque chose me disait qu'elle aurait aimé l'être un peu, rien qu'un peu, dans un moment d'égarement ou de fringale
amoureuse, et que cela n'aurait pas été pour déplaire au pauvre Philippe, assailli par le doute et la peur de la routine conjugale.
Au soir du sixième jour, alors que je n'y croyais plus, Tabou est revenu, plus famélique que jamais, avec une
oreille fendue et quelques estafilades. Une fois repu de croquettes, il m'a suivi jusque dans l'antichambre des secrets où il s'est pelotonné sur mes cuisses nues et s'est profondément
endormi. Dans la cage de verre se tenait Monika en grande tenue de veuve lubrique. La traditionnelle voilette noire qui masquait à peine son regard lointain, laissait libre ses lèvres pulpeuses.
Son visage n'exprimait aucun chagrin, rien qu'une sorte d'indifférence. Et pourtant, on aurait aimé qu'elle pleure pour avoir le plaisir de la consoler ! Son imperméable sombre, en tous points
semblable à celui des exhibitionnistes devant les cours d'école, s'entrouvrait sur les trésors maintenant disponibles de son corps. Entre l'ourlet de sa jupe sombre et le haut de ses bottes
noires, on découvrait ses genoux nus, sa peau nue qu'on avait envie de caresser entre ses cuisses, avant de lui demander de dégrafer son soutien-gorge afin qu'elle nous donne ses seins à
boire...
- De qui portez-vous ainsi le deuil, jeune veuve à la tendre bouche ?
- Je porte le deuil de mes amours enfantines et de mon innocence. C'est pour cela que mes yeux ne sont pas noyés de
larmes...
- Vous savez que le noir vous rend plus belle...
- Vous voulez sans doute dire plus salope... Si je vous disais, Valentin, que sous ma jupe je ne porte pas de culotte et que
j'ai la chatte toute mouillée, vous me croiriez ?
- Je veux bien le croire. Si j'osais je vous dirais aussi que vous avez une bouche à sucer les bites...
- Vous êtes flatteur et vous savez parler aux femmes. Laissez-vous aller au sommeil et je viendrai peut-être vous y
rejoindre...
Lorsque je m'éveillai en sursaut le lendemain matin, avec une sorte de gueule de bois lancinante, on tambourinait avec
insistance à la porte de la boutique.
C'était Philippe...
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