Dimanche 31 mars 2013
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INDIGNONS-NOUS !
Consulté sur l’opportunité de la légalisation d’une « Assistance sexuelle aux handicapés », le Conseil
National d’Éthique a émis un avis négatif. Sa prise de position conteste-t-elle les bienfaits d’une telle assistance ? NON ! Alors où est le problème ? Le CNE a ainsi motivé son
refus :
"Délivrer un service sexuel à la personne handicapée entraîne des risques importants de dérives. D’une part,
les bénéficiaires sont des personnes vulnérables et susceptibles d’un transfert affectif envers l’assistant sexuel possiblement source de souffrance ; d’autre part, rien ne peut assurer que
l’assistant sexuel lui-même ne va pas se placer en situation de vulnérabilité par une trop grande implication personnelle dans son service", explique le Conseil consultatif national d’éthique. Il
explique aussi que : "L’aide sexuelle, même si elle était parfaitement mise en œuvre par des personnels bien formés, ne saurait à elle seule répondre aux subtiles demandes induites par
les carences de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées". Autre point : l’apparentement à la prostitution. "Les associations qui demandent la mise en place d’aidants
sexuels récusent l’assimilation de ce type de prestations à de la prostitution. Il n’en reste pas moins que la reconnaissance d’une assistance sexuelle professionnalisée, reconnue et
rémunérée, nécessiterait un aménagement de la législation prohibant le proxénétisme. La seule mise en relation de la personne handicapée et de l’aidant sexuel peut effectivement être assimilée à
du proxénétisme. »
Pour résumer, l’assistance sexuelle aux handicapés étant rémunérée, elle peut être assimilée à de la prostitution, et l’organisme prestataire de cette assistance soupçonné de
proxénétisme !
On nage en plein délire.
Rappelons tout d’abord que cette assistance est déjà mise en place dans des pays voisins comme la Suisse, le Danemark, les
Pays-Bas ou l’Allemagne. Encore une fois, comme sur la dépénalisation du cannabis ou l’euthanasie assistée, la France, « pays des droits de l’homme », se retrouve fâcheusement
à la traîne.
Pourtant, il y a à peine deux ans, le film « Intouchable » avait mis en lumière la question
du plaisir chez les handicapés moteurs. La fameuse réplique « Pas de bras, pas de chocolat ! », allait bien au-delà du plaisir gustatif. Plus généralement, elle nous
disait sans ambiguïté : « Pas de motricité, pas de plaisir ! ».
Sur un mode plus grave, je me souviens surtout du film « Johnny got his gun » de Dalton Trumbo que
j’ai vu à sa sortie en 1971 et du choc émotionnel que j’ai ressenti lors de sa projection, choc qui m’a marqué à vie. Rappel du scénario : 1917, Johnny, jeune appelé de l’armée américaine,
est envoyé en France sur le front. Un obus tombé tout près de lui arrache ses quatre membres et lui ôte toute figure humaine. Johnny n’est plus désormais qu’un tronc sous perfusion, maintenu en
vie pour servir de cobaye aux médecins militaires. La jeune infirmière qui le soigne quotidiennement s’émeut de son sort et découvre peu à peu que Johnny a gardé toute sa conscience et est resté
un être sensible. Il y a une scène très émouvante où elle le masturbe jusqu’à la jouissance. Plus tard, comprenant le désespoir de Johnny, elle cherche même à abréger ses souffrances en mettant
un terme à l’acharnement thérapeutique qui le maintient en survie. Mais démasquée au dernier moment, elle sera chassée et le pauvre Johnny sera condamné à son existence végétative.
Ces deux exemples nous enseignent que tout être humain peut éprouver le désir et le besoin de jouir. Ce n’est pas un privilège
des valides. Face au déni des bien portants, le handicapé est de fait victime d’une double peine : non seulement son handicap le prive de la liberté de mouvement et souvent de toute vie
sociale, mais en plus, son incapacité motrice lui ôte aussi le droit de tout être vivant au plaisir sexuel, même procuré par une simple masturbation. Le handicapé est de fait un mort sexuel,
condamné à l’abstinence et à la frustration.
Je doute fort que parmi les membres du Conseil National d’Éthique siège un(e) tétraplégique, car je pense que leur avis en
aurait été sans doute plus nuancé. Réduire l’assistance sexuelle aux handicapés à une simple transaction mercantile relève d’une profonde méconnaissance – voire d’un mépris certain - des
handicapés. Pour avoir à plusieurs occasions cotoyé, parfois intimement, des handicapés, j’ai appris à les découvrir, à les écouter… Certes ils sont amenés à appréhender le monde de façon
différente, mais sont finalement animés des mêmes désirs, du même besoin de jouir de la vie, que la plupart d’entre nous.
ALORS, MESDAMES ET MESSIEURS DU CONSEIL NATIONAL D’ÉTHIQUE, UN PEU DE COURAGE !
Sur ce sujet, les images sont plutôt rares. Je vous ai quand même trouvé quelques photos émouvantes pour illustrer mon
propos
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