Lundi 11 juillet 2011
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EROS ET LES CHIENS
Collection 10/18 n°756 ( Edition française, Christian Bourgeois, 1969 )
L’ouvrage est composé d’une série d’essais publiés pour la première fois à Londres en 1936, sous la forme de deux recueils
intitulés Phoenix I et Phoenix II.
Je dédie particulièrement cet article à J.L. ( alias « Concombre masqué » ou encore "this-is-the-end") qui dans un
récent courriel émettait le souhait -le voeu ?- de voir moins de pornographie sur mon blog…( mon blog, qui est aussi le vôtre, fidèles abonné(e)s et lecteurs-lectrices)
Pornographie et obscénité
« Leur définition dépend, comme d’habitude, entièrement de l’individu. Ce qui pour l’un est pornographie est, pour l’autre,
le rire du génie.
Le mot lui-même, nous dit-on, signifie « appartenant aux prostituées », caractéristique de la prostituée. Mais, de nos
jours, qu’est-ce qu’une prostituée ? S’il s’agit d’une femme qui fait payer un homme pour coucher avec lui, nombre d’épouses, en vérité, se sont vendues par le passé, et nombre de
prostituées se sont données pour rien quand elles en avaient envie. Si une femme n’a pas un peu de la prostituée, c’est généralement une godiche sans aucune chaleur. Et la plupart des prostituées
ont certainement quelque part une trace de générosité féminine. Pourquoi des opinions si arrêtées ? Mais la loi est une chose desséchante et les avis n’ont rien à voir avec la vie.
Il en est de même du mot « obscène » : nul ne sait ce qu’il signifie. Supposons qu’il vienne d’OBSCENA : ce qui ne peut être représenté sur scène. Est-on
plus avancé ? Nullement. Ce qui est obscène pour Pierre, ne l’est pas pour Jean ou Paul ; or le sens d’un mot dépend de la décision de la majorité. Si une pièce choque dix personnes du
public sans choquer les cinq cents autres, alors elle est obscène pour dix personnes et inoffensive pour cinq cents. Elle n’est donc pas obscène à la majorité. Certaines pièces d’Aristophane
choquent tout le monde de nos jours alors qu’elles ne semblent pas voir galvanisé le moins du monde les Grecs de l’Antiquité. L’homme est un animal changeant, et les mots changent de sens en même
temps que lui. (…)
Même les critiques d’art d’opinion assez avancée voudraient essayer de nous faire croire que tout livre ou tableau qui a du
« sex-appeal » est ipso facto un livre ou un tableau mauvais. C’est de la tartuferie, simplement la moitié des grands poèmes, tableaux, œuvres musicales, histoires du monde entier sont
grands à cause de la beauté de leur sex-appeal. Dans Titien ou Renoir, le Cantique des Cantiques ou Jane Eyre, dans Mozart, ou Annie Laurie, la beauté est tout
imprégnée de sex-appeal, ou de stimulant sexuel, appelez-le comme vous voudrez. Même Michel-Ange, qui détestait le sexe, ne peut s’empêcher de remplir sa Corne d’Abondance de glands phalliques.
Le sexe est un stimulant très puissant, bénéfique et nécessaire à la vie humaine et nous éprouvons tous de la reconnaissance à sentir son flux chaud et naturel nous traverser, comme une sorte de
soleil. »
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