Baiser dans un parking souterrain
- Putain de merde ! Toutes les places sont prises ! Vu l’heure qu’il est, les bagnoles ne vont pas bouger avant demain
matin, elles ont garées pour la nuit…
- Là, il y a une place libre !
- Ouais, c’est ça ! Sur un arrêt de bus pour que je retrouve ma voiture à la fourrière, non merci !
- Je suis vraiment désolée… Mais j’y pense, il y a le parking souterrain de la rue des Martyrs ! Au feu, vous prendrez à droite…
C’est tout près !
C’est Gabrielle qui me
guide, elle connaît le quartier par cœur, elle y habite depuis plus de vingt ans.
Cécile m’avait demandé d’aller la prendre à l’aéroport. Gabrielle et ses deux grosses valises rentraient d’une courte mission à
Moscou. Comme souvent l’avion avait du retard – compagnie low cost oblige. Beaucoup de retard ! J’avais téléphoné à Cécile pour lui dire de ne pas m’attendre pour dîner. Elle était sans
doute contrariée, mais c’était difficile de refuser un service à Gabrielle.
Je n’aime pas les parkings souterrains : les plafonds y sont bas, les places étroites et les escaliers d’accès sinistres. À onze
heures du soir, c’était encore plus désespérant. Aucune présence humaine : un automate nous a vomi un ticket, une sorte de herse médiévale s’est lentement relevée pour laisser la voiture
passer et s’enfoncer dans les entrailles de la ville. On n’a trouvé une place qu’au quatrième niveau, coincée entre un monumental pilier en béton peint en jaune et noir, et encombrant un 4X4
japonais. La voiture avait juste la place de s’y glisser et pas question d’ouvrir la portière côté passager. Pour sortir, Gabrielle a dû enjamber le petit pont central qui sépare les deux sièges
avant et lever haut les jambes pour contourner le levier de vitesses. Elle s’est immobilisée quelques instants dans une position très inconvenante, le pied gauche posé sur le siège conducteur,
les cuisses écartées, la robe relevée haut…. Nos regards se sont croisés. J’avais 27 ans, elle en avait 48. Elle m’a souri tristement comme pour s’excuser. J’ai détourné les yeux, affreusement
confus. Gabrielle s’est extirpée de la voiture.
- Je vous donne bien du souci. Pourtant, je l’avais dit à Cécile que je pouvais très bien prendre un taxi ! Tiens, ils ont mis du
Julio Iglesias…C’est original, vous ne trouvez pas ?
En effet, j’ai reconnu « Volver ». L’allée centrale en ciment peint aussi lisse qu’un miroir m’a semblé une piste de danse au bord de
laquelle les calandres chromées avaient le sourire carnassier des hidalgos et les coffres arrière la chute de reins des danseuses de tango en jupe fendue. Diffuse, la musique qui venait de nulle
part se répandait dans les moindres recoins du sous-sol comme une brume. Elle nous a enveloppés, emprisonnées dans une bulle de mélodie.
Lorsque Gabrielle s’est penchée dans le coffre ouvert pour empoigner sa plus grosse valise, j’ai voulu l’aider à la soulever et ma
main a touché la sienne. Ce simple contact m’a littéralement électrisé. Quelques instants auparavant, lorsque j’avais entrevu ses cuisses nues, je n’avais éprouvé que honte et confusion, alors
que la sensation de sa main contre ma main a aussitôt éveillé mon désir. J’ai réalisé que depuis sept ans que nous nous connaissions, je n’avais jamais touché sa peau et que nos seuls contacts
physiques avaient été les deux bises sur la joue que mous échangions à chaque rencontre… Deux bises pour Gabrielle, une poignée de mains pour Roger.
- On ne doit pas faire ça ! Il faut penser à Cécile ! a dit Gabrielle sans retirer sa main.
Penser à Cécile ? Je n’ai fait que ça. Quand j’ai embrassé les lèvres entrouvertes de Gabrielle, j’ai pensé qu’elles étaient un
peu plus molles mais plus sucrées que celles de Cécile ; quand j’ai touché ses seins, je les ai trouvés beaucoup plus petits mais plus agacés que ceux de Cécile ; quand j’ai découvert
ses fesses nues, j’ai vu qu’elles étaient plus blanches que celles de Cécile ; et quand j’ai caressé sa chatte, je l’ai sentie plus large, plus ouverte, plus mouillée que celle de Cécile.
Mais Cécile n’avait que 25 ans…
- On ne devrait pas faire ça, a dit Gabrielle qui venait d’ouvrir ma braguette.
Nous nous sommes accouplés sous le hayon ouvert. Elle, le buste dans le coffre, le cul dehors, les jambes écartées, les pieds sur le
ciment ; moi, debout derrière elle, la tenant par les hanches. Exactement comme avec Cécile, quand on baisait à la sauvette. Julio Iglésias ne chantait plus. Gabrielle faisait des vocalises
qui devaient s’entendre de loin. Je ne saurais dire si elle a vraiment joui. Moi, j’ai balancé mon sperme sur le ciment peint en bleu ciel.
- On n’aurait pas dû faire ça ! a dit Gabrielle en se repoudrant.
Deux heures plus tard,
après avoir pris un en-cas et une bière avec Roger, quand je suis revenu payer avant de reprendre la voiture, la caisse automatique était en panne. Je suis allé à la réception où le gardien de
nuit enfermé dans sa cage de verre pare-balles lisait un bouquin. Derrière lui une dizaine d’écrans de contrôle en noir et blanc. Sur le numéro 8, j’ai reconnu ma voiture garée entre le pilier de
béton et le gros 4X4 japonais. Il m’a regardé arriver avec un sourire goguenard.
- Tiens, ça tombe bien, je pensais justement à vous. Je crois que j’ai quelque chose qui pourrait vous intéresser… Une petite vidéo,
ça vous dirait ? Sinon, je peux toujours la mettre sur internet. Vous savez, ces petites caméras sont assez sophistiquées. L’image est nette et on peut zoomer à volonté. Je vous ai même
préparé un petit DVD souvenir, vous voulez voir ?
- Non, sans façon… Vous le vendez combien ?
- 100 euros ! Je sais c’est un peu cher, mais ça les vaut, d’autant plus que j’ai vidé le disque dur…
N’allez jamais avec votre belle-mère dans les parkings souterrains, surtout si on y passe du Julio Iglesias.
© Michel Koppera, mai 2009
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